Le Journal de Montreal

Les végans contre Joe Beef

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ mathieu.bock-cote@quebecorme­dia.com

Le fanatisme végane est inquiétant

Samedi soir, des militants végans ont pénétré dans le célèbre restaurant Joe Beef, à Montréal, pour dénoncer le fait qu’on y sert et mange de la viande. Ils sont venus hurler quelques slogans. Parmi ceuxlà : « Ce n’est pas de la nourriture, c’est de la violence ».

Le propriétai­re a cherché à dédramatis­er la chose. Il s’est voulu philosophe, comme si la meilleure manière de contenir ceux qui le conspuent était de les caresser. C’est une attitude qui se veut cool. Elle en vaut d’autres. Il aurait aussi pu les foutre à la porte vertement.

Nous sommes témoins, depuis un temps, de la radicalisa­tion de la mouvance végane. Enfermée dans un univers parallèle absolument étranger au rapport historique entre l’homme et l’animal, la frange extrémiste du véganisme transforme le premier en assassin, et le second en victime d’un système d’exploitati­on abject qu’il faudrait jeter par terre.

ILLUMINÉS

La tendance végane la plus radicale ne veut pas seulement nous convaincre de ne plus consommer de viande : ses militants se voient comme les libérateur­s d’êtres vivants victimes d’une forme de racisme anti-animal. En France, ils n’hésitent plus à attaquer les boucheries. Ici, ils attaquent des restaurant­s pour insulter les clients.

La cause de la souffrance animale est absolument légitime, évidemment, mais les végans en sont manifestem­ent les plus mauvais alliés. Leur manière de l’aborder est désincarné­e, étrangère à l’expérience de notre civilisati­on. Ils plaquent des catégories idéologiqu­es sur une expérience charnelle entre l’homme et l’animal et la réduisent à un rapport de domination. Lorsqu’on s’aventure chez les théoricien­s véganes, on retrouve une haine de l’humain déconcerta­nte.

Comment ne pas voir dans leur cause le symptôme d’un dérèglemen­t idéologiqu­e propre à notre époque ?

À défaut d’avoir une grande cause politique dans laquelle s’investir, l’individu d’aujourd’hui se réfugie dans plusieurs groupuscul­es idéologiqu­es, qui fournissen­t une cause à ceux qui les rejoignent et donnent un sens à leur vie. D’un coup, ils se croient en possession du bien. Devant eux, ils voient des ignorants à convertir ou des salauds qui, consciemme­nt, refusent d’endosser leur vision du monde.

Il y a là un inquiétant désir de pureté.

Cela nous rappelle, soit dit en passant, que le commun des mortels ne saurait se contenter de la vie quotidienn­e. Il a besoin d’idéaux pour éclairer son existence. Si la société ne sait pas en fournir, il les trouvera dans les marges où se multiplien­t les sectes d’illuminés.

COURTOISIE

Que les végans militent pour nous convaincre de limiter notre consommati­on de viande, c’est leur droit et ils n’ont pas tort de le faire. Mais ils doivent entrer de manière civilisée dans la conversati­on démocratiq­ue. Plusieurs le font très bien. Ils ajoutent ainsi des nuances à notre vision du monde.

Mais lorsqu’ils se mettent à insulter ceux qui ne voient pas le monde comme eux, ils basculent dans un fanatisme toxique. Même les idéologues les plus emportés devraient se soumettre à la courtoisie. Ils n’ont pas le droit fondamenta­l de soumettre les gens ordinaires à leurs obsessions.

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