Un collusionnaire déjoue le système
Il a continué d’obtenir des contrats publics même si son entreprise donnait des pots-de-vin au maire Vaillancourt
Un entrepreneur qui truquait les contrats publics avec l’ancien maire de Laval Gilles Vaillancourt est passé entre les mailles du filet. Sa firme a pu continuer à accumuler des millions de dollars sans jamais avoir été sanctionnée.
Carl Ladouceur Construction, Construction Mergad, Construction Timberstone : depuis l’opération Honorer de l’Unité permanente anticorruption en 2013, plusieurs entreprises liées aux complices de Vaillancourt ont été exclues des contrats publics pendant cinq ans.
Mais il en est tout autrement pour un autre entrepreneur collusionnaire, Giuliano Giuliani. Sa firme, G. Giuliani inc., maintenant dirigée par sa soeur, a reçu plus de 7 millions $ en contrats publics au cours des deux dernières années.
SAUVÉ PAR UN DÉTAIL TECHNIQUE
Arrêté en 2013, la même journée que l’exmaire de Laval, Giuliani a été condamné en septembre 2017 à une peine de 12 mois à purger dans la collectivité pour complot et fraude.
Pourquoi G. Giuliani inc. n’a-t-elle pas alors été ajoutée au Registre des entreprises non admissibles aux contrats publics (RENA), comme c’est normalement le cas des compagnies dirigées par des individus qui ont trempé dans la collusion ? Pour deux raisons :
√ En octobre 2017, moins d’un mois après avoir plaidé coupable, Giuliano Giuliani a cédé la présidence de l’entreprise à sa soeur.
√ G. Giuliani inc. appartenait à une société-écran du nom de Placements Gibec, laquelle était détenue par Giuliano Giuliani. La présence de cette société-écran entre le coupable et l’entreprise qui décrochait des contrats a empêché le RENA d’agir.
ÉCHAPPER À LA POLICE DES CONTRATS
Ce cas est loin d’être unique. L’automne dernier, notre Bureau d’enquête rapportait avoir découvert des failles dans le RENA.
Par exemple, nous avons démontré qu’une entreprise de Châteauguay, Les Sols Verelli, avait réussi à conclure des contrats de plus de 1 M$ avec trois Villes, car elle n’avait pas été inscrite au RENA même si ses propriétaires avaient été reconnus coupables d’infractions fiscales.
L’Autorité des marchés publics, qui gère le registre, admet d’ailleurs avoir les mains liées devant certains stratagèmes utilisés par des entrepreneurs qui veulent éviter une inscription au registre (voir autre texte).
Selon le professeur à l’École nationale d’administration publique Étienne Charbonneau, les cas de ce genre encouragent malheureusement le cynisme au sein de la population, qui compte sur le gouvernement pour punir les firmes délinquantes.
« On ne sait pas combien d’autres entreprises échappent au RENA parce qu’elles utilisent des stratagèmes pour passer outre à la loi. [...] Les mauvais coups gouvernementaux sont beaucoup plus pesants dans l’esprit des gens que les bons coups. […] S’il y a des ratés, ça mine la confiance envers le gouvernement », dit-il.
L’actuelle présidente de G. Giuliani inc., Isabelle Giuliani, n’a pas répondu à nos questions.