Le Journal de Montreal

Quand on a les yeux plus grands que la panse

- RICHARD MARTINEAU

Il doit être furieux.

Car retourner en politique ne permettait pas seulement à Jean Charest de faire ce qu’il aime le plus au monde (soulever des foules, serrer des mains et se faire de nombreux amis), ça lui permettait aussi – et surtout – de faire un superbe pied de nez aux Québécois.

« Vous me croyiez fini ? Eh bien, je reviens plus en forme que jamais ! Et cette fois, ce n’est pas le Québec que je vais diriger, mais le pays ! Tiens, toé ! »

LA RÉALITÉ EN FACE

Malheureus­ement pour lui, monsieur Charest avait les yeux plus grands que la panse.

C’est bien beau rêver, mais… il faut aussi tenir compte de la réalité. Si performant­e soit-elle, une Nissan ne gagnera jamais une course contre une Ferrari.

Et la réalité, au-delà des nombreuses allégation­s qui minent sa crédibilit­é, est que l’ex-premier ministre du Québec n’avait pas beaucoup d’appuis dans le parti…

Parce qu’il est trop « progressis­te », comme il l’affirme lui-même (j’imagine la face de Manon Massé quand elle a lu ça…) ?

Ou parce que son image est amochée au Québec, et que s’il veut gagner les prochaines élections le Parti conservate­ur ne peut se payer le luxe de se mettre une grande partie du Québec àdos?

Toujours est-il que monsieur Charest a vu son ombre et qu’il est retourné dans son terrier.

Si j’étais un conseiller de Jean Charest, c’est exactement ce que je lui aurais dit.

« Surtout, ne vous lancez pas là-dedans. Évitez les projecteur­s, faites profil bas, on ne fait pas de vagues quand on est à bord d’un radeau… Vous avez déjà la presse québécoise aux trousses, voulez-vous que la presse canadienne-anglaise s’y mette aussi ? »

Et puis, comme l’a dit le sénateur conservate­ur Leo Housakos : « Personnell­ement, j’ai beaucoup de difficulté à appuyer la candidatur­e d’une personne qui est sous enquête criminelle. C’est irresponsa­ble pour un candidat de mettre le parti dans une position dangereuse… »

Comment le Parti conservate­ur pourrait-il critiquer le manque d’éthique de Justin Trudeau, s’il permettait à un homme qui fait l’objet d’une enquête criminelle de briguer sa direction ?

ACCOUCHE QU’ON BAPTISE !

Donc, ce chapitre de la vie de monsieur Charest est terminé.

Reste l’enquête de l’UPAC, qui se balance au-dessus de sa tête comme l’épée de Damoclès.

Comme Me François-David Bernier l’a écrit sur son blogue lundi : « Est-ce normal d’être visé par une enquête qui n’aboutit pas et qui perdure pendant plusieurs années ? »

Surtout lorsque tout le monde sait que vous êtes l’objet d’une enquête !

Il ne s’agit pas de défendre ou non monsieur Charest. Mais un moment donné, comme le tonnait Jacques Chagnon dans l’affaire Guy Ouellette : « Qu’on accuse ou qu’on s’excuse ! »

Certes, nous nous demandons tous comment Jean Charest aurait pu être ignorant des « initiative­s » de son grand ami Marc Bibeau.

Mais ce n’est pas comme ça (heureuseme­nt, d’ailleurs) que notre système de justice fonctionne.

Ça prend des preuves. Ou tu les as (et tu portes des accusation­s), ou tu ne les as pas (et tu tires la plogue).

Et jusqu’à maintenant, on a l’impression que l’UPAC ne les a pas.

La réalité a rattrapé Jean Charest...

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