Trudeau commence son vrai test
Avec la reprise des travaux parlementaires, le gouvernement minoritaire libéral devra trouver des appuis
OTTAWA | Les troupes de Justin Trudeau devront faire face à la réalité d’un gouvernement minoritaire lorsque les travaux de la Chambre des communes reprendront au début de la semaine.
La session parlementaire de décembre avait été trop brève pour en donner un avant-goût. Le vrai test commence aujourd’hui.
Voici un survol des principaux dossiers sur lesquels les libéraux pourraient devoir mettre de l’eau dans leur vin pour s’entendre avec les partis d’opposition. Ratifier l’ALENA 2.0 avec ou sans le Bloc
Les libéraux souhaitent la ratification rapide de la nouvelle mouture de l’Accord de libre-échange nord-américain, plaidant l’urgence de sécuriser l’accès au marché commercial américain.
Ils déposeront une motion à cet effet aujourd’hui, qui sera suivie d’un projet de loi mercredi. Ils trouveront toutefois, sur leur chemin, les 32 députés bloquistes qui promettent de voter contre la ratification sans protection supplémentaire pour les travailleurs de l’aluminium.
Le gouvernement Trudeau devrait toutefois pouvoir compter sur l’appui des conservateurs.
Le Canada est le dernier pays à devoir ratifier le nouvel ALENA, après le Mexique et les États-Unis.
Élargir l’aide médicale à mourir
Le gouvernement Trudeau doit élargir, d’ici au 11 mars, l’aide médicale à mourir pour se conformer à une décision de la Cour supérieure jugeant inconstitutionnel le critère de mort raisonnablement prévisible.
Québec a déjà annoncé des changements à sa propre loi, mais Ottawa aura besoin de plus de temps puisqu’il devra apporter des changements au Code criminel.
Après avoir mené une consultation, les libéraux devront présenter un projet de loi et obtenir le soutien de députés des bancs de l’opposition pour le faire adopter.
De l’avis de la politologue Geneviève Tellier, de l’Université d’Ottawa, le Bloc québécois sera un allié de premier plan, en plus du soutien potentiel du Nouveau Parti démocratique (NPD).
Difficile à savoir pour les conservateurs.
Le contrôle des armes à feu, premier gros obstacle ?
La première grande difficulté des libéraux, dans leur mandat minoritaire, pourrait bien se trouver sur le chemin de l’interdiction promise des armes d’assaut.
« Je m’attends à ce que les conservateurs mettent tout leur poids pour s’y opposer », prévient le professeur de sciences politiques Frédéric Boily, de l’Université de l’Alberta.
Le chef conservateur sortant Andrew Scheer a d’ailleurs prévenu, vendredi, que l’opposition officielle allait tout faire pour contrer cette « attaque contre les propriétaires d’armes à feu qui respectent la loi ».
Au sein même du caucus libéral, il n’y a pas unanimité sur la question puisque certains députés de circonscriptions rurales sont réticents.
« Casse-tête » sur le plan de l’environnement ?
En plus de s’être doté de l’ambitieux objectif de « carboneutralité » d’ici 2050, le gouvernement Trudeau entend présenter une nouvelle cible de réduction des gaz à effet de serre pour 2030. Or, il devra aussi décider, cet hiver, s’il donne le feu vert à un imposant projet de mine d’exploisables tation des bitumineux, Teck Frontier. « C’est un casse-tête [à cause] de l’Ouest », souligne M. Boily.
Le politologue s’attend toutefois à ce que le fédéral refuse ce projet, « moins populaire que Trans Mountain », pour privilégier la lutte aux changements climatiques.
Un premier budget en contexte minoritaire
Le premier budget du mandat minoritaire de Justin Trudeau, qui devrait être présenté en mars, donnera une meilleure idée des façons dont le fédéral veut s’y prendre pour accomplir ses principales promesses et, surtout, les coûts qui y sont associés.
La dernière mise à jour économique en avait fait bondir plus d’un parce qu’on y apprenait que les déficits pour les prochaines années seraient bien pires que prévu.
Or, l’énoncé tenait seulement compte des dépenses associées à la mise en place de la baisse d’impôts pour les Canadiens de la classe moyenne. Le budget 2020 pourrait, quant à lui, chiffrer les investissements nécessaires pour la mise en place d’un programme d’assurance-médicaments auquel le NPD tient tant. La taxation des géants du web pourrait aussi s’y retrouver, quoique deux experts consultés en doutent.