Le Journal de Montreal

Ça prend une enquête sur les libération­s conditionn­elles

- MARIO DUMONT PAGE 12

Le ministre fédéral de la Sécurité publique a demandé une enquête sur le processus qui a mis en semi-liberté Eustachio Gallese. Est-ce suffisant ? Cet homme, dont les antécédent­s de violence étaient documentés, est maintenant accusé du meurtre de Marylène Lévesque, une jeune femme de 22 ans.

Plus on fouille dans les détails entourant la semi-liberté de Gallese, plus on est appelé à se questionne­r sur tout le processus des libération­s conditionn­elles au Canada. Ce système ne semble pas administré à la hauteur des responsabi­lités qui lui incombent.

La Commission des libération­s conditionn­elles est un organisme au fonctionne­ment moyennemen­t transparen­t et mille fois moins scruté par les médias que les tribunaux. Pourtant, dans les dossiers de meurtres ou d’autres crimes hautement violents, la peine de prison se termine par l’expression : « sans possibilit­é de libération conditionn­elle avant x années ».

ÉNORME RESPONSABI­LITÉ

En somme, le juge impose une sentence théorique, mais dans la pratique, c’est le rôle de cette commission d’orchestrer la sortie de prison du détenu. À cette étape, le juge qui avait rendu la sentence initiale n’est plus dans le décor. De mauvaises décisions de la Commission peuvent même dénaturer dans la pratique un jugement qui était initialeme­nt valable.

Dans le cas de Gallese, le public découvre une nouvelle notion : la semi-liberté. Une sortie de prison qui survient avant même que l’individu ait accès à une libération conditionn­elle. Il est censé à cette étape être hautement supervisé, devoir rapporter ses déplacemen­ts et ses fréquentat­ions. Ces suivis doivent être assez laxistes pour que Gallese se retrouve tard en soirée dans un hôtel avec une travailleu­se du sexe…

Et puis il y a cette notion de « risque modéré » que l’individu se livre à nouveau à un crime violent. Qu’est-ce que le risque modéré lorsqu’on joue potentiell­ement avec la vie des autres ? Il me semble que lorsqu’on choisit d’inscrire « risque modéré » sur le rapport, plutôt que risque faible ou très faible, c’est qu’on se pose des questions sur la dangerosit­é de l’individu.

UNE COMMISSION JUNIOR ?

Après s’être étonné de la gestion du dossier, on en arrive à se questionne­r sur le fonctionne­ment même de la Commission. Au moment où le dossier Gallese passe à l’analyse en mars 2019, les membres de la Commission canadienne des libération­s conditionn­elles, dans leur quasi-totalité, sont des nouveaux.

Le gouverneme­nt Trudeau a mis fin au processus de renouvelle­ment des mandats des gens expériment­és. À l’exception de deux personnes, tous les officiers québécois de l’organisme étaient de nouveaux visages à compter du printemps 2018. Exit les gens d’expérience, tout le mandat confié à des recrues !

Selon des témoignage­s, un groupe de commissair­es avait averti la direction des dangers de vider la Commission de son expertise. Cela paraît logique dans le cas d’un organisme qui joue directemen­t avec la sécurité du public.

Il ne faut pas seulement une enquête sur le cas Gallese. Il en faut une sur tout le fonctionne­ment des libération­s conditionn­elles.

Le meurtre de Marylène Lévesque par un individu en semi-liberté expose les failles du système des libération­s conditionn­elles.

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