Un ex-cadre perdra ses millions
L’homme coupable de corruption devra rembourser 4,2 M$ et pourrait devoir payer une amende de 24,6 M$
En plus d’avoir été condamné à la prison, l’ancien cadre corrompu de SNC-Lavalin Sami Bebawi devra se délester des millions de dollars qu’il avait reçus relativement au versement de pots-de-vin en Libye.
« Au total, des sommes de 4,2 millions $ ont été confisquées et nous demanderons une amende de 24,6 millions $ », a expliqué la procureure de la Couronne fédérale, Anne-Marie Manoukian, hier au palais de justice de Montréal.
Deux semaines après avoir été condamné à huit ans et demi de détention pour fraude et corruption, Bebawi était de retour devant le tribunal, cette fois pour la confiscation de ses biens frauduleusement obtenus.
En décembre, Bebawi avait été reconnu coupable par un jury de cinq chefs d’accusation relatifs au versement de pots-de-vin en Libye en échange de contrats pour la firme de génie-conseil SNC-Lavalin.
Ces pratiques avaient permis à Bebawi d’encaisser personnellement environ 28 M$ dans une société-écran située dans un paradis fiscal.
MAISONS ET CONDOS
Comme Bebawi avait obtenu une libération sous caution en attendant le résultat de l’appel sur sa culpabilité, l’ex-cadre de la multinationale montréalaise âgé de 73 ans a pu assister à l’audience, assis dans la salle plutôt que dans le box des accusés.
La Couronne fédérale avait dans sa mire des maisons et des condos à Montréal et à Saint-Lambert, sur la Rive-Sud, ainsi qu’en Floride. Les propriétés sont au nom de proches de Bebawi, mais elles avaient été acquises à partir des pots-de-vin reçus par l’ancien patron du groupe d’ingénierie et de construction.
En plus de ces propriétés, la Couronne fédérale voulait également saisir 864 810 $ dans trois comptes bancaires.
« Il y avait aussi une ordonnance de blocage concernant un compte en banque en Égypte. Il y a eu des échanges [avec l’institution] mais nous n’avons jamais eu de réponses satisfaisantes. On considère que la somme n’est pas recouvrable », a expliqué Me Manoukian.
Bebawi, par l’intermédiaire de ses avocats, a déjà accepté de verser à l’État la valeur des propriétés. Et lors de la prochaine audience, en mars, Bebawi devra annoncer s’il accepte ou non de payer l’amende de 24,6 M$ que réclame la Couronne fédérale.
EN APPEL
Mais si Sami Bebawi accepte de se délester d’une partie de son argent frauduleusement acquis, il espère toujours s’en tirer à bon compte, malgré sa condamnation par un jury.
Dans un avis d’appel déposé devant le plus haut tribunal du Québec, Bebawi réclame un nouveau procès en alléguant des erreurs du juge de première instance lors du procès.
INFILTRATION POLICIÈRE
« Le juge […] a erré en droit en admettant la preuve de l’infiltration policière auprès de Me Constantine Kyres [un avocat qui aurait été impliqué dans les pots-de-vin] », affirme Bebawi, en invoquant le fait que tout ce pan de la preuve aurait dû être rejeté en raison du privilège avocat-client.
Lors du procès, ses avocats avaient plaidé que l’infiltration n’avait pas été effectuée dans le respect de la Charte canadienne des droits et libertés, ce que le juge n’avait pas retenu.
L’audition de l’appel pourrait avoir lieu dans plusieurs mois.
SNC-Lavalin était également visée par des accusations concernant la fraude en Libye, mais une de ses filiales avait finalement pris le blâme en étant condamnée à une amende de 280 millions $.