Le Journal de Montreal

Kobe Bryant : deuil planétaire

- JOSÉ THÉODORE jose.theodore@quebecorme­dia.com –Propos recueillis par Gilles Moffet

Je laisse le hockey de côté, cette semaine, car je suis assommé par le décès tragique de Kobe Bryant. Ça vient me chercher pour plusieurs raisons, dont le fait que je suis moi-même pilote d’avion et d’hélicoptèr­e.

J’étais un grand admirateur de Bryant, un athlète phénoménal, charismati­que et apprécié de tous.

Il était connu partout dans le monde. Il parlait à des présidents, à des athlètes internatio­naux de tous les sports, à des artistes de renommée mondiale. Aujourd’hui, toute la planète est en deuil.

Ici, en Floride, je n’ai jamais vu autant de chandails des Lakers de Los Angeles, avec qui il a passé toute sa carrière. À la retraite depuis 2016, Bryant commençait sa deuxième vie, mais elle fut trop courte.

Il avait tellement à offrir et il venait même de gagner un Oscar. Il n’avait aucune limite à son potentiel.

Je suis aussi touché pour d’autres raisons. Il avait 41 ans et il est mort avec sa petite fille de 13 ans. J’ai

43 ans et j’ai une fille de 13 ans.

Il laisse dans le deuil les autres membres de sa famille, dont deux enfants en très bas âge, une petite fille de 7 mois et une autre de 3 ans. J’ai aussi une fille de 13 mois. Ça fait réfléchir.

Bryant adorait sa famille et il est mort en allant reconduire sa fille de 13 ans à un match de basketball.

Il s’était acheté un hélicoptèr­e afin de pouvoir passer plus de temps avec sa famille, mais une imprudence irréparabl­e a tout gâché.

PROMESSE À MA FAMILLE

Il y a deux semaines, ma fille était avec moi alors que je pilotais. La semaine dernière, c’était au tour de mon frère et de mes deux neveux.

La même chose pourrait m’arriver, mais je ne veux pas mourir dans un accident d’avion avec des proches et en laisser d’autres en deuil.

Ma femme, Stéphanie, qui adore le basketball, et ma fille Romi m’ont apostrophé, dimanche, après avoir appris cette triste nouvelle. Je magasine présenteme­nt pour m’acheter un avion. « José, t’es sûr que tu veux faire ça ? » m’ont demandé Stéphanie et Romi.

Ça m’a refroidi, mais je vais probableme­nt en acheter un quand même.

J’aime piloter. J’ai toutefois tiré quelques leçons de cet accident, qui aurait pu être facilement évité, et j’ai fait une promesse à ma famille, soit celle de ne jamais piloter dans des conditions difficiles comme celles qui prévalaien­t en Californie, dimanche.

Je ne piloterai jamais lorsque le plafond est sous les 1500 pieds. Pourquoi prendre des risques inutiles ? Qu’est-ce qui justifie de risquer sa vie ?

Le pilote avait le droit de s’envoler, mais si les hélicoptèr­es de la police de Los Angeles étaient cloués au sol, pourquoi a-t-il volé ?

Les conditions étaient difficiles et le pilote a volé au-dessus de l’autoroute le plus longtemps possible avant de s’approcher des montagnes pour se rendre à sa destinatio­n.

IMPRUDENCE FATALE

C’était une imprudence de sa part. Est-ce que Bryant lui a mis de la pression pour décoller, en lui disant qu’il fallait absolument se rendre au match ?

Ça doit être difficile de dire non à son patron, surtout quand c’est Kobe Bryant, mais au bout du compte, la décision finale de voler ou non appartient toujours au pilote.

J’ai décidé que je ne décollerai jamais si je ne suis pas à l’aise. J’ai obtenu mon permis de pilote d’hélicoptèr­e lorsque j’étais au Colorado, et celui de pilote d’avions à hélices en Floride, il y a deux ans. Ces permis te limitent à voler lors de conditions où tu as toujours un contact visuel avec le sol.

Depuis deux mois, j’ai le permis de voler aux instrument­s dans les nuages, mais je ne prendrai jamais de risques. Je l’ai promis.

La vie est trop précieuse. La famille est trop précieuse. Il y a tellement de tragédies qui pourraient être évitées avec un peu de prudence.

Le décès de Kobe Bryant me bouleverse pour plusieurs raisons

 ?? PHOTO D’ARCHIVES ?? Kobe Bryant s’adressant à la foule après son dernier match dans la NBA, le 13 avril 2016, au cours duquel il a marqué 60 points.
PHOTO D’ARCHIVES Kobe Bryant s’adressant à la foule après son dernier match dans la NBA, le 13 avril 2016, au cours duquel il a marqué 60 points.
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