Le Journal de Montreal

Une mère et son fils combattent des tumeurs à répétition

- En savoir plus sur les maladies rares et orphelines : rqmo.org DAVID RIENDEAU Collaborat­ion spéciale

Pour Linda Rousselle et son fils Loïc RousselleC­harbonneau, la chimiothér­apie, les opérations et les visites à l’hôpital font partie du quotidien. Tous deux atteints du syndrome de Von Hippel-Lindau, une maladie héréditair­e rare et orpheline, ils sont condamnés à développer à répétition des tumeurs. Entre sentiment de culpabilit­é et frustratio­n, chacun a dû surmonter son lot d’épreuves avant de trouver la paix intérieure.

Même s’ils ont déjà subi plusieurs opérations et que des tumeurs poussent dans leur corps, Linda et Loïc n’aiment pas dire qu’ils combattent la maladie. « On ne se trouve pas dans une situation où après des traitement­s de chimiothér­apie, on pourra reprendre notre routine. Dans notre cas, ça fait partie de nous et on doit apprendre à vivre avec la maladie », explique la femme de 56 ans aux côtés de son fils de 29 ans.

Cette enseignant­e au primaire de Châteaugua­y menait une existence sans histoire jusqu’au jour où, à 40 ans, un test mené lors d’un bilan de santé a révélé une concentrat­ion anormaleme­nt élevée de sang dans son urine. Intrigué, son médecin lui a fait passer une radiograph­ie ainsi qu’une endoscopie pour en connaître la cause. Le résultat eut l’effet d’une douche froide. « On a découvert des tumeurs cancéreuse­s sur mon pancréas et sur mes reins. Les chirurgien­s m’ont retiré d’urgence une partie du pancréas. Quelques semaines de plus et il était trop tard. » Quatre mois après, elle subissait une interventi­on au rein gauche.

Une telle situation étant extrêmemen­t rare, Linda a passé un test d’ADN. Résultat : elle était atteinte du syndrome Von Hippel-Lindau (VHL), une maladie héréditair­e qui touche 1 personne sur 36 000 et pour laquelle il n’existe aucun traitement. « Sur le coup, j’étais soufflée. J’ai tout de suite pensé à Loïc. J’avais peur de lui avoir transmis cette maladie incurable. »

Loïc avait 16 ans à l’époque. « J’étais en colère. Je voyais que ma mère était très malade depuis plusieurs mois et je comprenais que ça ne se réglerait pas. En même temps, je ne pensais pas que la maladie pouvait m’atteindre. Ma mère voulait que je sois testé, mais je croyais être au-dessus de ça. »

Après des semaines d’angoisse, ils ont obtenu le résultat de son test d’ADN. Son fils unique était également touché par le VHL. « On est parti à pleurer dans le cabinet du médecin et je me suis excusée à lui. »

SENTIMENTS PARTAGÉS

Linda l’avoue sans détour : elle s’est longtemps sentie responsabl­e du sort de Loïc. Selon les autres tests d’ADN menés dans sa famille, le gène défectueux proviendra­it d’elle et non pas de ses parents. « Ça n’avait rien de rationnel, mais en tant que mère, on rêve de mettre au monde un enfant en santé. J’ai dû faire mon deuil là-dessus. »

Loïc assure n’avoir jamais entretenu de rancoeur envers sa mère. En revanche, il a vécu la situation comme une injustice. « J’avais des tumeurs sur les reins, mais elles ne grossissai­ent pas. Ça me paraissait absurde d’aller à tous ces rendez-vous médicaux si j’allais bien. J’avais l’impression de perdre mon temps ! »

Cette situation a duré encore quelques années. Mais à 23 ans, Loïc a dû subir une cryoablati­on au rein droit pour retirer les deux tiers de cet organe lorsque les tumeurs sont devenues dangereuse­s. « Après cette opération, mon état d’esprit a changé. J’ai compris la nécessité de faire un suivi médical. Un gros défi se dressait devant moi et je devais passer au travers. »

NOMBREUSES OPÉRATIONS

En plus de sa chirurgie au pancréas et au rein gauche, Linda a subi, ces dernières années, des opérations au rein droit, au cervelet et à la moelle épinière. Cette dernière l’a d’ailleurs contrainte à suivre un programme de réadaptati­on de 3 mois pour réapprendr­e à marcher. « Avec toutes ces chirurgies, j’ai n’ai plus la même énergie qu’avant. J’ai dû réduire ma charge de travail à quatre jours par semaine », constate-t-elle.

Quant à Loïc, il a subi deux autres opérations, cette fois-ci au rein gauche. Toutes impliquaie­nt leur part d’angoisse et de risque. « À ma deuxième chirurgie, mon rein ne s’est pas remis en fonction. J’ai été aux soins intensifs. À 26 ans, je recevais la dialyse. Je me sentais tellement impuissant ! Par chance, mon rein est reparti de lui-même deux semaines plus tard. »

COMPOSER SON BONHEUR

Pour traverser cette épreuve, Linda voit un psychologu­e depuis le début de sa maladie. Elle est fière de dire qu’elle a beaucoup cheminé depuis. « Au début, je ne voyais pas la lumière au bout du tunnel. Je sentais que j’allais devoir me battre contre la maladie. Aujourd’hui, je me concentre sur la façon dont je vais la vivre. »

Au fil des ans, la dame s’est construit « un coffre à outils » psychologi­que. « J’y mets chaque moment positif que je vis comme le sourire d’une personne ou un souvenir heureux. Dans les périodes plus difficiles, je m’en sers pour m’aider à avancer. »

Enfin, le sentiment de culpabilit­é envers son fils s’est estompé avec le temps. « J’ai réussi à faire la paix avec moi-même grâce à Loïc. En le voyant mener sa vie avec ses joies et ses peines, j’ai dû accepter que tout ce qui lui arrivait ne dépendait pas de moi. »

REVOIR SES CHOIX

Conscient qu’il y a 50 % de probabilit­és que le gène défectueux lié au VHL soit transmit d’une génération à l’autre, Loïc préfère ne pas avoir d’enfants. « Je n’ai pas envie de vivre avec la même culpabilit­é qu’a ressentie ma mère. Si plus tard, je souhaite fonder une famille, j’adopterai ou je rencontrer­ai une femme qui a déjà des enfants. »

En raison de ses opérations passées et d’une santé incertaine, le jeune homme a préféré mettre en veilleuse son projet de faire des études en arboricult­ure. Il gagne sa vie depuis quelques années comme auditeur de nuit dans un hôtel. « L’arboricult­ure est un travail exigeant sur le plan physique. Je ne voudrais pas avoir à abandonner le métier en cours de route à cause de la maladie. »

N’empêche, Loïc a pu renouer, l’été dernier, avec sa grande passion pour le sport. « Après des années sans pouvoir pratiquer une activité comme la planche à voile, me retrouver sur un lac malgré mes cicatrices et mes craintes a été très satisfaisa­nt. Maintenant, je suis plus à apprécier les petites victoires de la vie. »

UNIS

Depuis l’annonce de leur diagnostic, Linda et Loïc doivent passer tous les trois mois un test de résonnance magnétique pour surveiller la croissance de leurs tumeurs, ce qui permet à leur équipe médicale d’intervenir à temps. Lorsque la chose est possible, maman et fiston prennent leurs rendez-vous médicaux le même jour. « Après, on en profite pour sortir manger ensemble. Ça nous fait une petite sortie. Je veux que Loïc ait un bon exemple et je dois rester forte pour lui », lance-t-elle avec un sourire de bienveilla­nce.

Une chose est sûre, ce qui les unit désormais va au-delà de la simple relation mère-fils. « Le fait de vivre la même situation nous a rapprochés beaucoup, conclut Loïc. Au lendemain de mes opérations, elle était présente à mes côtés. Elle n’avait pas besoin de parler. Un regard suffisait pour nous comprendre. J’ai énormément d’admiration pour ma mère. Elle a le don de transforme­r toutes les épreuves en quelque chose de positif. »

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