Les immigrants contre la pénurie
Un projet pilote avec des infirmières démontre leur potentiel pour régler les problèmes du réseau de la santé
Un projet pilote prometteur implanté à Montréal permet aux infirmières immigrantes d’intégrer plus facilement le réseau de la santé et de combler la pénurie de personnel.
« ILS [INFIRMIÈRES ET INFIRMIERS IMMIGRANTS] SONT TELLEMENT NERVEUX. ILS N’ONT PAS BEAUCOUP CONFIANCE EN EUX. JE LES ENCOURAGE »
– Julie Dufort, conseillère en soins infirmiers, volet intégration
« Mon programme a tout changé, jure Julie Dufort, conseillère en soins infirmiers, volet intégration au Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) du Nord-de-l’Île-de-Montréal. Dès qu’on a une diplômée hors pays, les CV me sont transmis. » « On a besoin d’effectifs partout ! » répète-t-elle. En 2018, ce CISSS a pris part au projet intégration-travail-formation, créé par le Bureau d’intégration des nouveaux arrivants à Montréal, et financé par le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale. À noter que le projet s’applique à plusieurs domaines d’emploi (courtier, ingénieur, caissier, etc.).
L’objectif ? Mieux intégrer les infirmières immigrantes, accélérer la reconnaissance de leurs compétences et embaucher du personnel.
Ainsi, 15 infirmières et infirmiers immigrants ont suivi un stage rémunéré de 40 jours, à l’hôpital Jean-Talon. Cette formation novatrice leur a permis d’éviter de retourner à l’école durant six à dix mois. Tout au long du stage, Julie Dufort les a suivis pas à pas.
« Ils sont tellement nerveux. Ils n’ont pas beaucoup confiance en eux. Je les encourage », dit celle qui surnomme ses stagiaires ses « poussins ».
INTÉGRATION COMPLÈTE
Par ailleurs, Mme Dufort s’est donné la mission de les aider à s’intégrer au Québec. Garderie, école, logement : ils doivent souvent tout rebâtir.
« Ce n’est pas seulement qu’on nous aide à travailler, c’est la vie à l’extérieur aussi, dit l’infirmier Mohammad El-Kazouiny (voir autre texte en page 6).
Avoir quelqu’un qui tient ta main et te dirige, c’est beaucoup plus sécuritaire. »
« Si la personne n’a pas les bonnes conditions sociales [...] comment peut-elle apprendre ? » demande Mme Dufort.
« C’est facile de dire : “Envoie ton CV, je vais te dispatcher, et j’espère que tu vas faire la job” », ditelle, ajoutant que les candidatures d’immigrants étaient souvent mises de côté par le passé.
À la fin des 40 jours, les stagiaires sont devenus candidats à l’exercice de la profession d’infirmier ou d’infirmière. Au total, 13 des 15 stagiaires ont réussi l’examen de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, qui a confirmé leur droit d’exercice, depuis l’an dernier. Un résultat phénoménal, selon Mme Dufort.
DOMAINE DE SPÉCIALITÉ
« Souvent [ils] ne passent pas la première fois, le stress embarque. On est en train de changer tout ça », dit-elle.
À ce sujet, l’Ordre n’a pas de statistique sur le taux de réussite des immigrants.
De plus, ce projet obtient de très bons résultats dans le taux de rétention : 11 des 15 stagiaires travaillent toujours dans ce CISSS. Ainsi, la direction a créé un programme qui favorise une intégration permanente. Une des clés du succès ? Placer l’infirmière dans son domaine de spécialité.
« C’est sûr et certain que ça marche », dit Mme Dufort. […] Mais, il faut faire attention [aux infirmières]. Sinon, elles vont s’en aller ! »
Le ministère de la Santé n’a pas le chiffre exact du manque d’infirmières au Québec. On compte en embaucher 23 649 d’ici 2024.