Le Journal de Montreal

C’est tout le système qui est « malade », disent des avocats

- KATHRYNE LAMONTAGNE

QUÉBEC | Il est précipité de blâmer la Commission des libération­s conditionn­elles dans l’affaire du meurtrier Eustachio Gallese, avancent deux avocats en droit carcéral, jugeant plutôt que c’est tout le système qui est « malade ».

« Au fond, c’est le système judiciaire qui est malade. Au grand complet, avance Me Mélanie Martel. Je ne pense pas qu’on doit juste taper sur la tête de la Commission. Plein de choses entrent en ligne de compte. »

Eustachio Gallese, 51 ans, est accusé d’avoir poignardé à mort Marylène Lévesque, une travailleu­se du sexe de 22 ans, le 22 janvier dernier. L’individu, déjà reconnu coupable d’avoir assassiné sa conjointe en 2004, se trouvait en semi-liberté au moment des faits.

Le public et l’opposition à Ottawa ont rapidement été choqués d’apprendre que Gallese bénéficiai­t d’une « stratégie » lui permettant de rencontrer des femmes pour assouvir ses besoins sexuels. Informée de cette situation en septembre 2019, la Commission des libération­s conditionn­elles (CLCC) a demandé un réexamen de cette tactique.

VIVES CRITIQUES

En chambre mercredi, le député conservate­ur Pierre Paul-Hus est allé jusqu’à réclamer la tête des deux commissair­es ayant signé le plus récent rapport dans ce dossier.

« On pointe du doigt trop vite. Avant de blâmer les commissair­es, je regarderai­s les services correction­nels », plaide Me Pierre Tabah. Bien qu’il convient du caractère inhabituel de la stratégie, l’avocat rappelle que de grandes questions n’ont toujours pas trouvé de réponses à ce jour dans cette affaire.

« C’est quoi la stratégie ? », questionne l’avocat en droit carcéral. Permettait-elle à Gallese de fréquenter des travailleu­ses du sexe et si oui, son équipe de gestion de cas était-elle au courant ? Le cas contraire, comment Gallese a-t-il pu entretenir ce type de relation à l’insu des autorités compétente­s ?

À ceux qui se demandent à la base comment Gallese a pu se retrouver en semi-liberté, Me Tabah rappelle que cinq décisions ont été rendues par la CLCC dans ce dossier, par neuf commissair­es différents. « Ces commissair­es-là ont dû prendre des décisions sur ce qui leur a été présenté par l’équipe de gestion de cas et les agents de libération conditionn­elle », renchérit Me Martel.

Selon les deux avocats, le cas Gallese témoigne aussi d’un manque de ressources. En mai 2019, dans un sondage mené par leur syndicat, 70 % des agents de libération conditionn­elle affirmaien­t ne pas être en mesure de mener à bien leur charge de travail, et ainsi protéger adéquateme­nt le public.

En novembre 2018, le vérificate­ur général du Canada dressait le même constat et notait que les agents n’avaient pas géré adéquateme­nt les délinquant­s sous surveillan­ce dans la collectivi­té.

Le ministre fédéral de la Sécurité publique, Bill Blair, a demandé une enquête interne sur cette affaire, qui sera menée par le Service correction­nel du Canada et la Commission des libération­s conditionn­elles.

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