(Le pari d’) écrire l’histoire sans fautes
C’est tout un défi que les journalistes — à court terme — et les historiens — à long terme — ont à relever : écrire une version des événements/de l’histoire qui colle le plus justement à la réalité. Tout le procès en destitution du président Trump a été un long exercice de gymnastique intellectuelle pour séparer le vrai du faux.
Il faut dire que Donald Trump luimême n’a pas aidé en enchaînant mensonges, exagérations et déclarations trompeuses. Comme quand il prétendait jeudi dans le Michigan qu’il avait « remporté 196 à 0 » le vote de destitution en Chambre des représentants en décembre dernier.
En fait, ce vote, il l’a perdu et son
« 196 », ce sont les élus républicains qui, en bloc, s’y sont opposés ; les démocrates, majoritaires, ont gagné la mise. Ainsi, la réalité, peu importe le que Trump veut y apporter, c’est qu’il a bel et bien été mis en accusation par ce « vote en destitution ».
Que tirera-t-on des heures de plaidoiries pour et contre la destitution du président américain sur le plancher du Sénat ? Il s’est dit tout et son contraire, le sommet de l’absurde ayant probablement été atteint en écoutant Pat Cipollone, le conseiller juridique de la Maison-Blanche.
Cipollone a assuré haut et fort jeudi que Donald Trump n’avait voulu mettre aucune pression sur l’Ukraine pour qu’une enquête soit déclenchée sur Joe Biden et son fils, alors qu’au même moment, un extrait du livre de John Bolton, ex-conseiller à la Sécurité nationale, précisait que Cipollone luimême se trouvait dans la pièce lorsque le président avait demandé à Bolton d’exercer ladite pression sur les autorités ukrainiennes.
UNE GUERRE AUX SOUVENIRS
Ces tensions autour de la bonne version des faits se déroulent en ce moment même par rapport à une série d’événements immensément plus tragiques. Le président russe Vladimir Poutine fait la promotion d’une interprétation controversée du début de la Seconde Guerre mondiale.
Elle n’a pas été activée par le pacte sournois entre l’Allemagne nazie et l’URSS stalinienne pour se partager la Pologne, mais par les ambitions démesurées des Polonais qui ont attiré les foudres de la machine militaire allemande. La Pologne donne aussi dans la réévaluation de l’histoire, en faisant un délit d’accuser les Polonais de complicité dans les crimes antisémites nazis, complicité pourtant amplement démontrée depuis trois quarts de siècle.
Conséquence, le président polonais ne s’est pas rendu en Israël pour les cérémonies commémorant le 75e anniversaire de la libération d’Auschwitz, parce que le président russe était présent. Et les Russes n’ont pas été invités aux cérémonies à Auschwitz (qui se trouve en Pologne), même si c’est l’Armée rouge qui a libéré le camp.
EN ASIE COMME EN EUROPE
Des conclusions divergentes sur la dernière grande guerre ont des conséquences encore plus concrètes en
Extrême-Orient. Les Japonais refusant de reconnaître leur responsabilité dans le travail forcé de plus d’un million de Coréens pendant la guerre, en plus des dizaines de milliers de Coréennes contraintes à l’esclavage sexuel, les Sud-Coréens ont décidé d’annuler le partage d’informations militaires avec les Japonais, partage pourtant convenu dans l’accord de coopération sécuritaire avec les États-Unis.
La décision, en octobre dernier, a aussitôt été suivie par un tir de missile nord-coréen à partir d’un sous-marin, preuve que la bisbille entre alliés fait le bonheur de leurs ennemis, la Corée du Nord certainement, mais aussi la Chine et la Russie.
Ce qui nous ramène à la nécessité d’écarter un maximum de faussetés, dès maintenant, dans la description des tempêtes que traverse le président Trump. Si on s’engueule encore sur une guerre finie il y a 75 ans, nous ne sommes pas au bout de nos peines avec cette MaisonBlanche-ci.