Le rapport du Groupe d’experts chargés de la révision de nos lois sur la radiodiffusion et les télécommunications est si touffu et si complexe d’application que le gouvernement Trudeau, pressé d’agir, courra sans doute au plus simple. Quel sort fera-t-on
Radio-Canada pourrait être l’un des premiers sujets de son attention. Suite à la publication du rapport, le CRTC devrait en toute logique prolonger les licences du diffuseur public, qui viennent à échéance cette année. Au moins le temps qu’il faudra au gouvernement pour décider quelles recommandations concernant Radio-Canada il conservera.
Le grand public a surtout retenu du rapport qu’il recommande d’abandonner graduellement la publicité sur toutes les chaînes et plateformes de Radio-Canada. Ce n’est qu’un aspect du rapport que les experts consacrent au diffuseur public.
Tous les partis pourraient s’entendre sur le mandat que le rapport dessine. À moins d’être contre la vertu, on ne peut s’opposer à ce que Radio-Canada consacre plus de temps et d’argent à l’information, accorde une attention particulière aux minorités « officielles » et aux Autochtones, contribue à la diffusion du contenu canadien dans le monde et montre plus d’audace dans sa programmation.
L’abandon graduel de la publicité fait presque l’unanimité, sauf, croyez-le ou non, auprès de la haute direction de CBC/SRC. Elle craint qu’un éventuel gouvernement – conservateur – sabre ses crédits. Elle ne pourrait plus alors se rabattre sur l’apport de la publicité, même si celleci ne compte que pour environ 15 % des revenus totaux de la société.
FINANCEMENT PAR TÊTE DE PIPE
Le rapport recommande que le gouvernement établisse un financement quinquennal pour le diffuseur public, une mesure qui ne le garderait pas moins à la merci du parti au pouvoir. Il faut que soit inscrit dans la loi un financement per capita. Le financement augmenterait alors au même rythme que la population et demeurerait ainsi à l’abri de l’inflation et de tout caprice politique.
Même si le rapport mentionne que le financement public de Radio-Canada était de 29 $ par tête en 2016, les besoins d’argent actuels du diffuseur public sont d’environ 47 $ si l’on tient compte de tous ses revenus et des crédits d’impôt dont il jouit indirectement. C’est donc environ 1,750 milliards $ annuellement qui constitue un financement minimal.
UNE MEILLEURE GOUVERNANCE
Le gouvernement a mis sur pied un comité de nomination consultatif pour le conseil d’administration de Radio-Canada. Le rapport note que le comité chargé de faire connaître au ministre du Patrimoine les candidats qualifiés pour le conseil, la présidence et la direction générale n’a pas force de loi comme il devrait.
Par contre, le rapport ne dit rien du fait que le président du conseil et le PDG soient tous deux inamovibles tout au long de leur mandat. Cette anomalie de gouvernance, dont je ne connais aucun autre exemple, fait en sorte que le conseil d’administration est tributaire de la bonne… ou de la mauvaise volonté du PDG.
Si le gouvernement libéral est conséquent avec ses promesses et veut préciser le mandat de Radio-Canada, comme le souhaitent tous les réseaux privés, assurer la pérennité de son financement, garantir la nomination non partisane de sa direction et mettre à niveau sa gouvernance, il peut très bien le faire rapidement même s’il est minoritaire. Ce n’est ni le NPD ni le Bloc qui s’y opposeront.
Aura-t-il le courage nécessaire ?