Le Parlement mérite plus d’égards
Il y a une comédie trop humaine du bâillon parlementaire.
Les oppositions s’égosillent, crient à l’autoritarisme parlementaire, aux penchants sombres du parti au pouvoir, etc.
Au gouvernement « à bout de patience », on dénonce l’« obstruction systématique » des oppositions. Les ministres répètent en choeur que leur parti ayant été élu, il a droit de réaliser son programme.
EXCEPTION OU RÈGLE ?
« Procédure législative d’exception » (PLE) est le terme technique pour désigner le bâillon.
Or, on a de plus en plus l’impression, avec la CAQ au pouvoir, que l’exception pourrait devenir la règle. Quatre « PLE » en huit mois, c’est beaucoup.
Remarquez, en juin, François Legault a été direct : « Plus un gouvernement veut faire de changements, plus il va être appelé à faire adopter sous bâillon un projet de loi. »
Lucien Bouchard, qui est un modèle pour M. Legault (ce qui est légitime, Bouchard ayant bien des qualités), était un champion des bâillons : 53 au cours de ses cinq années de pouvoir.
Cette méthode expéditive suscite l’admiration d’une partie de l’opinion publique, qui n’a pas de patience pour les palabres parlementaires.
Les passionnés d’« efficacité » toutefois, oublient l’utilité des élus. Le diable se cache dans les détails et une loi mal faite peut libérer une foule de petits démons susceptibles de gâcher la vie aux citoyens.
Le projet de loi 40 semble d’ailleurs si imparfait que le ministre Roberge a déposé encore cette semaine plus de 80 amendements à sa propre loi !
GRAND CHANGEMENT
Le projet de loi 40, c’est du grand changement : fin d’un palier démocratique, transformation des commissions scolaires en centres de services. Je comprends qu’on en discute depuis des décennies. Que le gouvernement Couillard a promis ce changement puis l’a abandonné (par clientélisme).
Mais le projet de loi 40 comprend plusieurs autres sujets sans véritable lien avec ce coeur de l’affaire.
Qu’est-ce qui pressait à ce point ? Profiter de la diversion créée par la tempête de neige ? (hypothèse de Mario Dumont)
On se perd en conjectures. Surtout que le ministre, encore mardi à QUB radio, jurait qu’il n’était jamais « tentant » pour un gouvernement de procéder par bâillon : « On souhaite y aller par la voie régulière. »
Certes, tant que le projet de loi n’est pas adopté, le processus électoral scolaire risque automatiquement de se mettre en branle bientôt.
Le ministre lui-même affirmait pourtant mardi que la date butoir inscrite dans la loi où prendraient fin les mandats des commissaires, le 29 février, était « repoussable » encore de « quelques semaines ».
François Legault semble trouver scandaleux que les parlementaires aient mis 70 heures à étudier le projet.
C’est l’équivalent de deux semaines de 35 heures pour une loi qui transforme profondément l’organisation de notre système scolaire : est-ce vraiment excessif ?
Il y a de quoi comprendre les inquiétudes des oppositions : 70 heures, sera-ce un nouveau plafond, fixé dans la réforme des travaux parlementaires que prépare le leader du gouvernement, Simon Jolin-Barrette ?
Si oui, il y a de quoi s’inquiéter. Le Parlement mérite plus d’égards.