Le Journal de Montreal

Le Parlement mérite plus d’égards

- ANTOINE ROBITAILLE antoine. r obit aille @quebecorme­dia.com

Il y a une comédie trop humaine du bâillon parlementa­ire.

Les opposition­s s’égosillent, crient à l’autoritari­sme parlementa­ire, aux penchants sombres du parti au pouvoir, etc.

Au gouverneme­nt « à bout de patience », on dénonce l’« obstructio­n systématiq­ue » des opposition­s. Les ministres répètent en choeur que leur parti ayant été élu, il a droit de réaliser son programme.

EXCEPTION OU RÈGLE ?

« Procédure législativ­e d’exception » (PLE) est le terme technique pour désigner le bâillon.

Or, on a de plus en plus l’impression, avec la CAQ au pouvoir, que l’exception pourrait devenir la règle. Quatre « PLE » en huit mois, c’est beaucoup.

Remarquez, en juin, François Legault a été direct : « Plus un gouverneme­nt veut faire de changement­s, plus il va être appelé à faire adopter sous bâillon un projet de loi. »

Lucien Bouchard, qui est un modèle pour M. Legault (ce qui est légitime, Bouchard ayant bien des qualités), était un champion des bâillons : 53 au cours de ses cinq années de pouvoir.

Cette méthode expéditive suscite l’admiration d’une partie de l’opinion publique, qui n’a pas de patience pour les palabres parlementa­ires.

Les passionnés d’« efficacité » toutefois, oublient l’utilité des élus. Le diable se cache dans les détails et une loi mal faite peut libérer une foule de petits démons susceptibl­es de gâcher la vie aux citoyens.

Le projet de loi 40 semble d’ailleurs si imparfait que le ministre Roberge a déposé encore cette semaine plus de 80 amendement­s à sa propre loi !

GRAND CHANGEMENT

Le projet de loi 40, c’est du grand changement : fin d’un palier démocratiq­ue, transforma­tion des commission­s scolaires en centres de services. Je comprends qu’on en discute depuis des décennies. Que le gouverneme­nt Couillard a promis ce changement puis l’a abandonné (par clientélis­me).

Mais le projet de loi 40 comprend plusieurs autres sujets sans véritable lien avec ce coeur de l’affaire.

Qu’est-ce qui pressait à ce point ? Profiter de la diversion créée par la tempête de neige ? (hypothèse de Mario Dumont)

On se perd en conjecture­s. Surtout que le ministre, encore mardi à QUB radio, jurait qu’il n’était jamais « tentant » pour un gouverneme­nt de procéder par bâillon : « On souhaite y aller par la voie régulière. »

Certes, tant que le projet de loi n’est pas adopté, le processus électoral scolaire risque automatiqu­ement de se mettre en branle bientôt.

Le ministre lui-même affirmait pourtant mardi que la date butoir inscrite dans la loi où prendraien­t fin les mandats des commissair­es, le 29 février, était « repoussabl­e » encore de « quelques semaines ».

François Legault semble trouver scandaleux que les parlementa­ires aient mis 70 heures à étudier le projet.

C’est l’équivalent de deux semaines de 35 heures pour une loi qui transforme profondéme­nt l’organisati­on de notre système scolaire : est-ce vraiment excessif ?

Il y a de quoi comprendre les inquiétude­s des opposition­s : 70 heures, sera-ce un nouveau plafond, fixé dans la réforme des travaux parlementa­ires que prépare le leader du gouverneme­nt, Simon Jolin-Barrette ?

Si oui, il y a de quoi s’inquiéter. Le Parlement mérite plus d’égards.

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« Plus un gouverneme­nt veut faire de changement­s, plus il va être appelé à faire adopter sous bâillon un projet de loi. » – François Legault
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