Faut-il avoir peur de l’hypertrucage ?
Avez-vous vu la nouvelle pub de Loto-Québec avec un jeune Bernard Derome qui nous annonce une loterie de 2020 ?
Avez-vous capoté ? Moi aussi ! Et sachant comment cette prouesse a été réussie, je ne sais pas si je dois me réjouir ou m’inquiéter : jusqu’où ira cette technologie d’hypertrucage ?
PLUS VRAI QUE VRAI
Loto-Québec a dévoilé une campagne annonçant le retour de sa toute première loterie, la Loterie mensuelle.
Hier, à Salut Bonjour!, Mathieu Roy a présenté en primeur le making of de cette pub hallucinante.
Il a d’abord fallu trouver un comédien, qui avait plus ou moins la même morphologie que Bernard Derome. Ensuite, ce jeune a appris à imiter les mimiques de Bernard Derome, avec l’imitateur Pierre Verville.
Une machine a analysé des images d’archives pendant des centaines d’heures pour apprendre à transformer avec exactitude le visage du jeune comédien en Bernard Derome. Puis Derome a apposé sa vraie voix sur le personnage virtuel.
« La gestuelle est là, le ton est là également », a déclaré Derome (qui a maintenant 76 ans), dans le making of de la pub.
« Le fait de me retrouver à l’âge de 26 ans, ça fait quelque chose, ça remue. Oui, c’est très émouvant. »
Et il n’y a pas que Bernard Derome qui est remué. J’ai travaillé avec l’animateur du Téléjournal pendant trois ans dans les années 1980, quand j’étais jeune journaliste, dans la salle des nouvelles de Rad-Can. Et de le voir à l’écran comme s’il avait rajeuni d’un coup de baguette magique, ça m’a jetée par terre.
Mais ce qui devrait nous bouleverser tous, c’est la facilité avec laquelle on peut jouer avec les images. La technologie utilisée par l’agence de pub Sid Lee, c’est l’hypertrucage. Ce qu’on appelle en anglais des deepfake.
Des fins finauds s’en sont servi pour créer des faux discours de Trump, d’Obama ou de Mark Zuckerberg.
Ce qui fait peur, c’est que c’est tellement facile de mettre des mots dans la bouche de quelqu’un ! Ça sert de leçon : il ne faut pas croire tout ce qu’on trouve sur internet.
Rappelez-vous quand une vidéo de Jean Charest présentant un discours de campagne pour la chefferie du Parti conservateur a commencé à circuler. On s’est tous demandé si c’était vrai ou si c’était du deepfake.
À partir du 5 mars, Twitter va étiqueter ou supprimer les deepfakes. Le 3 février, YouTube a rappelé sa politique anti-deepfake en prévision des élections américaines.
Et le 6 janvier de cette année, Facebook a annoncé qu’elle allait interdire les vidéos « éditées à l’aide d’intelligence artificielle, sans que les personnes non averties puissent s’en apercevoir, et qui les amèneraient à penser que quelqu’un a prononcé des mots qu’il n’a pas réellement prononcés ».
QUI DIT VRAI ?
Quand on pense hypertrucage, on pense bien sûr à la technologie hallucinante qui a été utilisée pour rajeunir Robert de Niro et Al Pacino dans le film de Martin Scorsese The Irishman. Si on peut enlever des rides à des hommes tout fripés, quelle est la prochaine étape ?
Peut-on redonner à Nicole Kidman, Renee Zellweger ou Emmanuelle Béart le vrai visage qu’elles avaient avant de se rendre méconnaissables à coup de chirurgies ?