Le Journal de Montreal

Les États-Unis de la diversité

- RICHARD LATENDRESS­E

Le Parti démocrate se cherche toujours ce candidat providenti­el qui vaincra Donald Trump à l’élection présidenti­elle de novembre prochain. L’Iowa aura dû aider à faire le tri, mais la démocratie américaine est sortie amochée de ce scrutin.

En fait, la démocratie américaine est entrée en boitant dans l’Iowa et s’apprête à poursuivre sa route clopin-clopant dans le New Hampshire. C’est que l’Iowa, pas plus que le New Hampshire, ne représente la diversité ethnique, culturelle et sociale des États-Unis.

On l’a toujours su et toujours un peu dénoncé, mais les misères iowiennes à décompter les votes des caucus de lundi dernier incitent de plus en plus d’Américains à remettre en question le statut de ces deux États à « choisir les premiers ».

Prenons seulement le portrait ethnique du pays : la majorité de la population reste blanche, mais les changement­s s’opèrent vite, et pour la première fois, cette année, les électeurs latinos seront plus nombreux que les Afro-Américains. Sauf que pour 12 % de Noirs et 18 % de Latinos à la grandeur du pays, que retrouvet-on en Iowa ? 3 % de Noirs et 6 % de

Latinos ! Le New Hampshire fait pire encore.

D’ailleurs, notre tout petit voisin du sud — qui fera son choix après-demain parmi les onze candidats démocrates en lice — s’avère, comme le précisait le Washington

Post cette semaine, une sorte d’anomalie nationale : « À tous points de vue, le New Hampshire est horribleme­nt peu représenta­tif du pays : les gens font trop d’argent, ils sont grisonnant­s, sur-éduqués, extrêmemen­t blancs et pas assez religieux. »

UN ÉLECTORAT À COURTISER

Pour ceux et celles qui s’interrogen­t sur l’intérêt porté aux votes minoritair­es, il ne s’agit que d’écouter le président Trump qu’on ne peut pas soupçonner de parti-pris à l’égard des minorités. Son discours sur l’état de l’Union — le « discours sur son état d’esprit » comme s’est moquée Nancy Pelosi — a été généreux avec les exagératio­ns et les erreurs.

La nouvelle ère de prestige mondial des États-Unis qu’il a évoquée est démentie par les sondages d’opinion qui indiquent une désapproba­tion planétaire quasi unanime de son administra­tion. La « meilleure relation des États-Unis avec la Chine » montre des signes grandissan­ts d’extrême tension et sa défense des droits de la personne ne concernait que les Vénézuélie­ns ; tant pis pour les Saoudiens, les Chinois et les autres.

Sauf que son insistance sur les taux de chômage historique­ment bas des Noirs (6 %), des Latinos (4,3 %) et des Américains d’origine asiatique (3 %) n’est pas fausse. Et même si 90 % des Afro-Américains, selon un récent sondage, désapprouv­ent son travail comme président, Donald Trump n’a besoin du soutien que d’une poignée

(ou presque) d’entre eux pour rester à la Maison-Blanche.

UN RIEN FAIT LA DIFFÉRENCE

Vous en doutez ? Rappelez-vous que c’est par des miettes de pourcentag­e qu’il a remporté le Wisconsin (0,8 %), la Pennsylvan­ie (0,7 %) et le Michigan (0,2 %) en 2016. Et en 2000, souvenez-vous, c’est par 540 voix que George W. Bush a gagné la Floride, et, par extension, son ticket pour la présidence. Vraiment pas grand’monde à convaincre pour faire toute une différence !

Quant aux démocrates, ils ont de sérieuses questions à se poser. Ils ont attiré autour de 170 000 participan­ts aux caucus de l’Iowa, un chiffre comparable à 2016, mais loin derrière l’engouement

soulevé par la candidatur­e de Barack Obama en 2008. Ils vont devoir combler et vite, un réel creux d’enthousias­me. Fareed Zakaria, dans le Washington

Post cette semaine, parlant du choix d’un leader, rappelait l’expression

« Democrats fall in love, Republican­s

fall in line » (les démocrates tombent amoureux, les républicai­ns rentrent dans le rang). Gallup vient d’ailleurs de confirmer que, peu importe ses excès, 94 % des républicai­ns soutiennen­t Donald Trump. Pas le choix, les démocrates vont devoir se secouer.

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