Les États-Unis de la diversité
Le Parti démocrate se cherche toujours ce candidat providentiel qui vaincra Donald Trump à l’élection présidentielle de novembre prochain. L’Iowa aura dû aider à faire le tri, mais la démocratie américaine est sortie amochée de ce scrutin.
En fait, la démocratie américaine est entrée en boitant dans l’Iowa et s’apprête à poursuivre sa route clopin-clopant dans le New Hampshire. C’est que l’Iowa, pas plus que le New Hampshire, ne représente la diversité ethnique, culturelle et sociale des États-Unis.
On l’a toujours su et toujours un peu dénoncé, mais les misères iowiennes à décompter les votes des caucus de lundi dernier incitent de plus en plus d’Américains à remettre en question le statut de ces deux États à « choisir les premiers ».
Prenons seulement le portrait ethnique du pays : la majorité de la population reste blanche, mais les changements s’opèrent vite, et pour la première fois, cette année, les électeurs latinos seront plus nombreux que les Afro-Américains. Sauf que pour 12 % de Noirs et 18 % de Latinos à la grandeur du pays, que retrouvet-on en Iowa ? 3 % de Noirs et 6 % de
Latinos ! Le New Hampshire fait pire encore.
D’ailleurs, notre tout petit voisin du sud — qui fera son choix après-demain parmi les onze candidats démocrates en lice — s’avère, comme le précisait le Washington
Post cette semaine, une sorte d’anomalie nationale : « À tous points de vue, le New Hampshire est horriblement peu représentatif du pays : les gens font trop d’argent, ils sont grisonnants, sur-éduqués, extrêmement blancs et pas assez religieux. »
UN ÉLECTORAT À COURTISER
Pour ceux et celles qui s’interrogent sur l’intérêt porté aux votes minoritaires, il ne s’agit que d’écouter le président Trump qu’on ne peut pas soupçonner de parti-pris à l’égard des minorités. Son discours sur l’état de l’Union — le « discours sur son état d’esprit » comme s’est moquée Nancy Pelosi — a été généreux avec les exagérations et les erreurs.
La nouvelle ère de prestige mondial des États-Unis qu’il a évoquée est démentie par les sondages d’opinion qui indiquent une désapprobation planétaire quasi unanime de son administration. La « meilleure relation des États-Unis avec la Chine » montre des signes grandissants d’extrême tension et sa défense des droits de la personne ne concernait que les Vénézuéliens ; tant pis pour les Saoudiens, les Chinois et les autres.
Sauf que son insistance sur les taux de chômage historiquement bas des Noirs (6 %), des Latinos (4,3 %) et des Américains d’origine asiatique (3 %) n’est pas fausse. Et même si 90 % des Afro-Américains, selon un récent sondage, désapprouvent son travail comme président, Donald Trump n’a besoin du soutien que d’une poignée
(ou presque) d’entre eux pour rester à la Maison-Blanche.
UN RIEN FAIT LA DIFFÉRENCE
Vous en doutez ? Rappelez-vous que c’est par des miettes de pourcentage qu’il a remporté le Wisconsin (0,8 %), la Pennsylvanie (0,7 %) et le Michigan (0,2 %) en 2016. Et en 2000, souvenez-vous, c’est par 540 voix que George W. Bush a gagné la Floride, et, par extension, son ticket pour la présidence. Vraiment pas grand’monde à convaincre pour faire toute une différence !
Quant aux démocrates, ils ont de sérieuses questions à se poser. Ils ont attiré autour de 170 000 participants aux caucus de l’Iowa, un chiffre comparable à 2016, mais loin derrière l’engouement
soulevé par la candidature de Barack Obama en 2008. Ils vont devoir combler et vite, un réel creux d’enthousiasme. Fareed Zakaria, dans le Washington
Post cette semaine, parlant du choix d’un leader, rappelait l’expression
« Democrats fall in love, Republicans
fall in line » (les démocrates tombent amoureux, les républicains rentrent dans le rang). Gallup vient d’ailleurs de confirmer que, peu importe ses excès, 94 % des républicains soutiennent Donald Trump. Pas le choix, les démocrates vont devoir se secouer.