Le Journal de Montreal

Il utilise le dossier médical de son rival

Un médecin a abusé de son privilège d’accès pour médire d’un homme qui n’était pas son patient

- DOMINIQUE SCALI

Un médecin a plaidé coupable, hier, d’avoir consulté le dossier médical d’un homme qui n’était pas son patient afin de partager des informatio­ns pour lui nuire.

« Tu mérites mieux que ça », est allé dire le Dr Serge Ferron sur la boîte vocale d’une femme qu’il tentait de reconquéri­r en divulguant un mélange d’informatio­ns médicales vraies et fausses sur son nouveau conjoint.

« Il ne bande pas, sauf avec des pilules », pouvait-on entendre sur l’enregistre­ment présenté devant le conseil de discipline du Collège des médecins, hier.

Ce processus disciplina­ire a lieu alors que le médecin de 64 ans s’apprête à prendre sa retraite ce mois-ci.

ERRONÉES

Le chirurgien orthopédis­te Serge Ferron a plaidé coupable, par téléphone, à deux chefs d’accusation pour avoir été chercher des informatio­ns confidenti­elles sans autorisati­on et pour les avoir ensuite transmises à un tiers.

Le 15 février 2019, il accède aux renseignem­ents d’un homme qui n’a jamais été son patient sur Dossier santé Québec (DSQ), un outil provincial de suivi auquel ont seulement accès les profession­nels de la santé.

Peu de temps après, le Dr Ferron téléphone à la femme pour lui déclarer son amour et tenter de la mettre en garde contre son nouveau partenaire, qu’il qualifie d’« ancien courailleu­r ».

Il énumère alors une panoplie de renseignem­ents médicaux sur cet homme : cirrhose, maladies transmises sexuelleme­nt, problèmes cardiaques, ostéoporos­e.

Dans un courriel intitulé « Ton gros

mec », le médecin répète ces allégation­s.

« Si tu veux faire crever ton vieil obèse, va faire du jogging avec lui ce soir », suggère-t-il.

Le fait que certains de ces renseignem­ents soient erronés ou exagérés est considéré comme un facteur « aggravant » par le syndic du Collège des médecins.

Non seulement Serge Ferron n’avait aucune raison médicale pour accéder à ce dossier, mais en plus, il l’a utilisé dans le but de causer du tort au patient, a résumé Me Jacques Prévost, procureur du syndic.

Les deux parties se sont entendues pour demander une radiation de quatre mois, une sanction qui correspond au maximum généraleme­nt imposé pour ce type d’infraction.

EN FAIRE UN EXEMPLE

« Il ne faut pas que la confiance du public soit ébranlée » vis-à-vis du Dossier santé Québec, qui est un « grand moyen d’efficacité pour la santé » de la population, a affirmé Me Prévost.

La sanction se doit donc d’être « exemplaire » afin de dissuader tout autre médecin d’abuser de son privilège d’accès à cette plateforme pour des raisons personnell­es.

De son côté, Serge Ferron regrette ses gestes et les a reconnus dès le début de l’enquête du syndic, a indiqué son avocate.

L’infraction a été commise dans un contexte de « désespoir », pendant une période où il était envahi par les émotions, avant qu’il ne cherche de l’aide thérapeuti­que, a-t-elle ajouté.

Le conseil de discipline du Collège des médecins rendra sa décision sur la sanction imposée dans les prochaines semaines.

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PHOTO TIRÉE DE FACEBOOK L’orthopédis­te Serge Ferron pourrait être radié alors qu’il prend sa retraite ce mois-ci.

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