BROCHE À FOIN
L’ex-directeur général par intérim de la Sûreté du Québec, Mario Bouchard, a vendu en catimini à son employeur des chevaux utilisés par la nouvelle cavalerie du corps policier.
L’ancien directeur général intérimaire de la Sûreté du Québec Mario Bouchard a vendu en catimini à son employeur des chevaux utilisés par la nouvelle cavalerie du corps policier, a découvert notre Bureau d’enquête.
Ces animaux font partie de l’équipe équestre de la Sûreté du Québec (SQ), mise sur pied au départ comme une activité de police communautaire bénévole, en 2017. Depuis l’an dernier, des opérations de patrouille ou de recherche de personnes disparues en forêt ont été ajoutées.
Au cours des derniers mois, notre Bureau d’enquête a découvert les liens surprenants de M. Bouchard, un passionné d’équitation, avec ce projet. En plus de vendre des chevaux à son employeur, il les a entre autres hébergés chez lui (voir textes ci-contre).
« Il y a clairement une apparence de conflit d’intérêts », estime Marie-Soleil Tremblay, professeure à l’École nationale d’administration publique.
La SQ a mis près de cinq mois à répondre à notre demande d’accès à l’information à ce sujet. De plus, elle a caviardé la quasi-totalité des noms des personnes à qui elle avait acheté les bêtes.
Dans un entretien qu’il nous a accordé quatre jours avant son départ à la retraite, en décembre dernier, M. Bouchard a reconnu qu’il était parmi les fournisseurs.
« Les chevaux, c’est ma passion. Je le fais avec mon coeur, pour la population du Québec. J’essaie de le faire pour le moins cher possible », a-t-il dit pour expliquer son rôle inhabituel dans ce dossier.
« MAL EXPLIQUÉ »
M. Bouchard affirme qu’il a reçu de Martin Prud’homme, directeur général de la SQ actuellement suspendu, le mandat de lancer le projet pilote de cavalerie.
La SQ a toutefois précisé par la suite que M. Prud’homme n’avait pas demandé à M. Bouchard « de procéder comme il l’a fait » en vendant lui-même des chevaux au corps policier.
M. Bouchard affirme qu’il n’a pas compté les heures de bénévolat pour l’équipe équestre. Il dit avoir dépensé de ses fonds personnels pour acheter de l’équipement et améliorer les installations chez lui afin d’accueillir les chevaux de la SQ en pension.
L’ex-DG s’est défendu d’avoir eu un intérêt personnel ou d’avoir tiré profit du dossier. Tout au plus, il concède qu’il a « assurément mal expliqué » le projet.
« Il n’y a personne qui m’a rien payé. Je l’ai fait dans le meilleur intérêt de la Sûreté du Québec, des bêtes », a-t-il soutenu.
CYNISME
Le dossier de l’équipe équestre a aussi fait l’objet de trois griefs de la part du syndicat des policiers, concernant la gestion de la formation, de la sélection et de la sécurité des cavaliers.
Mario Bouchard estime avoir été victime de « désinformation » en raison de décisions impopulaires qu’il a prises à titre de dirigeant.
À ses côtés, le directeur des communications de la SQ, Guy Lapointe, constate que l’implication dans le dossier d’un cadre du niveau de M. Bouchard a créé un problème de « perception ».
« Il y a des choses qui auraient pu être faites différemment et qui ont alimenté le cynisme », dit-il.
M. Bouchard, qui aura 53 ans ce mois-ci, soutient qu’il n’y a aucun lien entre son départ à la retraite et sa gestion du dossier.
« J’y pensais déjà depuis plusieurs mois », a-t-il dit.