Le Journal de Montreal

De quoi se mêle Fitzgibbon?

- RICHARD MARTINEAU

Comme vous le savez, ça fait un bout de temps que les frères Rémillard (Maxime et Julien) veulent se débarrasse­r de la chaîne V, qu’ils ont achetée en 2008 du temps où elle s’appelait TQS.

Le géant Bell (qui est basé à Toronto) s’est montré intéressé à l’acheter.

VERS UN MONOPOLE ?

Mais avant que le mariage ne soit consommé, le Conseil de la radiodiffu­sion et des télécommun­ications canadienne­s (CRTC) doit se pencher sur les impacts possibles d’une telle transactio­n.

Bell (qui est déjà un joueur majeur) occuperait-elle une trop grande place dans le monde des télécommun­ications canadienne­s si elle avalait V ?

Cette transactio­n déséquilib­rerait-elle l’industrie ?

Le géant torontois deviendrai­t-il un monopole de facto capable de dicter les lois du marché et d’étouffer ses concurrent­s en grugeant leurs revenus publicitai­res et en offrant des salaires faramineux à leurs vedettes phares ?

Bref, il y a beaucoup d’aspects à considérer avant de donner le feu vert à cette vente.

SUR TWITTER

Aujourd’hui et demain, le CRTC tiendra des audiences publiques afin d’analyser les impacts possibles de l’acquisitio­n de V par Bell.

Habituelle­ment, les politicien­s attendent l’avis du CRTC (un organisme indépendan­t) avant de se prononcer. C’est ce que fait le ministre du Patrimoine Steven Guilbeault.

Mais le ministre de l’Économie du Québec, Pierre Fitzgibbon, a décidé, lui, d’accorder le but avant que l’arbitre se prononce.

« Pour le bien supérieur du Québec,

Bell doit posséder V et aussi opérer une salle de nouvelles », a-t-il écrit sur Twitter samedi.

Avec tout le respect que je dois au ministre : de quoi il se mêle ?

Monsieur Fitzgibbon est président du CRTC, maintenant ?

Il a analysé le marché, sondé tous les joueurs de l’industrie, longuement réfléchi aux impacts que pourrait avoir cette vente sur l’avenir de la télévision québécoise ?

François Legault ne cesse de dire qu’il a demandé à ses troupes de faire preuve d’humilité et de ne pas se montrer arrogantes.

Il semble que le ministre de l’Économie n’ait pas reçu le mémo.

Car dans le dossier de cette vente, comme dans beaucoup d’autres, le ministre est tout, sauf humble.

LA DANSE DES CANARDS

Primo, quand est venu le temps de trouver un nouveau patron à Investisse­ment Québec, monsieur Fitzgibbon a refusé de prendre en compte l’avis de la firme de chasseurs de têtes qu’il avait embauchée, préférant nommer un ami personnel.

Secundo, il a porté atteinte à la réputation d’une haute dirigeante de Québecor en laissant sousentend­re qu’elle était en conflit d’intérêts (fausse informatio­n qu’il a refusé de démentir, malgré une mise en demeure).

Et maintenant, il affiche publiqueme­nt son parti pris pour Bell, alors que le CTRC n’a même pas commencé ses audiences publiques sur la question.

Le ministre de l’Économie a récemment annoncé que Québec va prendre plus de risques avec les fonds publics.

Espérons que le nouveau patron d’Investisse­ment Québec, un organisme qui a déjà investi plusieurs millions de dollars dans des canards boiteux, se montrera plus prudent que son ami et bienfaiteu­r Pierre Fitzgibbon lorsque viendra le temps de placer nos économies.

Qu’il étudiera chaque dossier attentivem­ent, au lieu de prendre des décisions à la va-vite et de les annoncer sur Twitter un samedi après-midi…

Un ministre qui en mène large. Très large.

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