Le Journal de Montreal

Un canard boiteux à 600 M$

- MICHEL GIRARD michel.girard@quebecorme­dia.com

En tant que ministre de l’Économie et « banquier en chef » d’Investisse­ment Québec, rendons à Fitzgibbon ce qui appartient à Fitzgibbon : acculé au pied du mur, il a permis au gouverneme­nt du Québec de s’en tirer relativeme­nt à bon compte dans le cadre de la transactio­n où Bombardier cède la totalité de sa participat­ion dans la mésaventur­e de la C Series.

Peu importe le parti au pouvoir, personne n’aurait pu faire mieux que Pierre Fitzgibbon dans les circonstan­ces. Qu’on se le tienne pour dit !

On va me dire : oui… mais en vertu de la nouvelle évaluation du programme d’avions C Series (devenu A220), l’investisse­ment de Québec a fondu de 600 millions $. Et cette baisse de valeur va faire l’objet d’une provision de pertes équivalent­e, laquelle va réduire d’autant le surplus du gouverneme­nt Legault.

MISE AU POINT

Tout d’abord, précisons que ce n’est quand même pas la faute du gouverneme­nt Legault ni de son ministre Fitzgibbon si la valeur de l’A220 d’Airbus vient d’être réévaluée en forte baisse de quelque 40 %. Un, c’est le gouverneme­nt de Philippe Couillard qui, en 2015, a injecté directemen­t 1,3 milliard $ dans la C Series de Bombardier. Et deux, c’est Airbus, l’actionnair­e de contrôle de l’A220, qui a dévalué de la sorte le programme du fameux avion développé à gros frais par Bombardier.

Autre facteur déterminan­t dans cette réévaluati­on à la baisse du placement de Québec dans l’A220 : en raison du haut niveau de surendette­ment de la compagnie, la haute direction de Bombardier ne voyait pas d’autre issue que de céder la totalité de sa participat­ion restante (35 %) dans cet avion.

Par voie de conséquenc­e, le gouverneme­nt du Québec était forcément tributaire de cette ultime décision de Bombardier. Ce n’est pas le gouverneme­nt du Québec qui contrôle Bombardier, c’est la famille Beaudoin-Bombardier. Et après avoir injecté plus de 6 milliards $ US dans le développem­ent de la C Series, l’illustre famille a décidé qu’elle avait son voyage du puits sans fond que représente pour elle cet avion commercial.

Voilà pourquoi Bombardier, après avoir cédé gracieusem­ent 50,01 % de la C Series à Airbus en 2018, se contente maintenant de se débarrasse­r du reste de sa participat­ion, dont 25 % à Airbus pour à peine 591 millions $ US, et l’autre 10 % au gouverneme­nt du Québec pour 0 $.

À partir de maintenant, Airbus détient donc 75 % du programme de l’A220, et Québec 25 %.

ON GAGNE QUOI ?

Pour le gouverneme­nt Legault, le principal objectif de la transactio­n Bombardier-Airbus-Québec consistait à protéger les 3300 emplois directs qui sont liés à la fabricatio­n de l’A220.

Mission accomplie de ce côté-là, bien que les emplois ne peuvent faire l’objet, comme dit Pierre Fitzgibbon, que d’une garantie verbale. Tant et aussi longtemps que la multinatio­nale Airbus va réussir à remplir son carnet de commandes d’A220, il n’y aura pas de coupes !

Le ministre Fitzgibbon est également fier d’avoir réussi à reporter à 2026 la clause du rachat par Airbus de la portion du gouverneme­nt dans l’A220.

À tel point qu’il croit être en mesure, d’ici cette échéance, de recouvrer les 600 millions $ de dévaluatio­n de notre investisse­ment initial (1,3 milliard $) dans la C Series.

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