Une femme est pourchassée par son mari en Europe
La mère d’une fillette à risque d’être excisée a vu sa demande d’asile au Canada refusée parce qu’elle avait déjà habité dans plusieurs pays d’Europe… où elle était pourchassée par un mari violent.
Ce jugement, datant de 2013, a suscité un véritable « malaise » chez les chercheuses qui l’ont examiné.
Marie (nom fictif) a grandi au Cameroun. Elle a d’abord immigré en Italie, où elle a épousé un homme de son pays d’origine et donné naissance à une fillette, relate Rachel Chagnon, professeure à l’UQAM.
Or, son conjoint se révèle violent, tant physiquement que psychologiquement. Marie se sauve avec sa fille, notamment en Belgique, puis au RoyaumeUni. Mais chaque fois, l’homme les retrouve et les force à revenir en Italie, rapporte Mme Chagnon.
Marie décide donc de rentrer au Cameroun. Mais bientôt, sa famille commence à faire pression sur elle pour que l’enfant soit excisée. Elle s’enfuit donc au Canada et demande l’asile pour elle et sa fille.
« SÉVÈRE »
Ses démarches sont appuyées par le rapport clinique d’une travailleuse sociale attestant que Marie souffre d’un syndrome post-traumatique sévère, ce qui aura peu de poids dans la décision de la commissaire à l’immigration.
Dans son jugement, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) pose un « regard sévère » sur Marie, arguant qu’une « bonne mère ne retournerait pas dans un pays où son enfant serait mise en danger », résume Mme Chagnon.
De plus, pourquoi ne pas avoir demandé l’asile dans un des pays d’Europe où elle avait déjà fui ? s’est demandé la Commission, ignorant que le mari violent avait réussi à la retrouver chaque fois.
« J’aimerais vous dire que cet exemple est exceptionnel, mais ce n’est pas le cas », constate Mme Chagnon.
LUTTE DE SURFACE
Bon nombre de femmes se voient aussi refuser le statut de réfugiées au Canada, car officiellement, l’excision est illégale dans leur pays d’origine. Mais pour plusieurs gouvernements, il s’agit d’une « lutte de surface », la pratique des mutilations étant toujours courante malgré la loi, explique la chercheuse.
Au moment de publier, la CISR n’avait pas répondu à nos questions.