Le Journal de Montreal

Aimer jusqu’à la déchirure

- DENISE BOMBARDIER Blogueuse au Journal Journalist­e, écrivaine et auteure denise.bombardier @quebecorme­dia.com

Ces paroles de la chanson La Quête, interprété­e notamment par Nicole Croisille, spécialist­e des chansons d’amour malheureus­es, que les bébés boomers aimaient tant pendant les années de la libération sexuelle, expliquent en partie la peur d’aimer en 2020.

Les temps sont durs pour ceux qui osent aimer. D’ailleurs, le recours à un « FF » (« ami à baiser ») est devenu une pratique courante pour ceux et celles qui cherchent à s’envoyer en l’air sans retombées sentimenta­les, sans engagement, sans peur et sans remords. La moitié des couples aujourd’hui se séparent, mariés ou non.

Depuis deux génération­s, des enfants, dont un grand nombre a déjà atteint aujourd’hui la quarantain­e, ont vécu une, deux, voire trois séparation­s de leurs parents, pas forcément infidèles, mais plutôt sentimenta­lement fatalistes. Plusieurs d’entre eux considèren­t l’engagement amoureux comme une prise de risque trop élevée compte tenu de leur fragilité émotionnel­le. Manière de croire que plonger dans l’amour est de même nature que se lancer du haut d’une falaise.

INSÉCURITÉ

C’est pourquoi nombre de ceux qui cèdent devant l’amour et s’installent en couple sont peu préparés à batailler lorsque surviennen­t les conflits après la lune de miel, qui dure ce que durent les roses, à savoir l’espace d’un été passionnel. Ils se comportent en fatalistes, un sentiment qui en dit long sur l’insécurité amoureuse des jeunes du XXIe siècle.

À l’évidence, la permanence n’est plus une valeur assurée dans nos sociétés en déconstruc­tion sociale, psychologi­que et morale. Sans oublier la précarité des emplois et l’insécurité matérielle que cela suscite. Ce sont de puissants freins aux élans du coeur. Il est triste de voir des jeunes à la vie profession­nelle exaltante, mais dont la vie personnell­e et affective est réduite à une peau de chagrin.

De nos jours, les couples amoureux doivent se protéger contre les intempérie­s causées par la frénésie de l’instant, l’impatience chronique et l’idée fausse que tout est égal à tout. Peu importe l’âge, il faut aimer à l’abri de Facebook et des tweets, ces mises à nu de la vie intime.

DISCRÉTION

Il faut s’aimer malgré l’époque, dans la discrétion et en dehors des modes. Méfions-nous des amoureux tonitruant­s qui usent des selfies pour se regarder à travers un écran où l’autre deviendrai­t plus réel que dans la proximité des corps enlacés.

L’amour sera toujours l’antithèse de la pornograph­ie, laquelle pollue à travers ses tentacules le champ entier de la sexualité à notre époque. Les amoureux, jeunes ou vieux, sont encore

seuls au monde. Ils sont habités par un mystère qui explique d’ailleurs la longévité de la vie commune de nombre de ces couples. Une longévité devenue inexplicab­le pour les branchés frénétique­s, incapables de laisser le silence leur imposer sa loi.

Les amoureux transis, exaltés, recherchen­t aussi l’apaisement, ce temps obligatoir­e avant le retour du désir. Ce désir ne se laisse pas bousculer par les pulsions, mais se nourrit de l’émotion de l’être aimé.

Car les amoureux se laissent porter par leur amour partagé. Des peines font vaciller leur flamme parfois, mais celleci ne s’éteint jamais.

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Les temps sont durs pour ceux qui osent aimer.
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