Le Journal de Montreal

Des turbulence­s en vue pour des milliers de travailleu­rs

Le retrait du secteur des avions commerciau­x les plonge dans l’incertitud­e

- MARTIN JOLICOEUR

Après le choc de l’annonce, l’inquiétude avait déjà gagné, hier midi, bon nombre d’employés de l’usine Canadair de Bombardier, dans l’arrondisse­ment de SaintLaure­nt, à Montréal.

C’est dans cette usine que travaillen­t les 360 employés directemen­t concernés par le transfert des activités de production industriel­le liées à l’assemblage des A220 et A330.

Peu après 6 h, ceux-ci apprenaien­t hier matin qu’ils n’étaient plus à l’emploi de Bombardier, mais bien dorénavant de Stelia Aéronautiq­ue, une filiale d’Airbus.

« C’est sûr que c’est inquiétant pour tout le monde, nous a confié l’un d’entre eux. Pour moi, ça va, mais pour ceux qui vivent sur la Rive-Sud, c’est une autre paire de manches ; ça peut signifier le déménageme­nt de leur famille. »

C’est que tout en confirmant le retrait complet de Bombardier du secteur de l’aviation commercial­e, Airbus annonçait son intention de déménager ses activités de Saint-Laurent à Mirabel, où Stelia y possède déjà une usine. Ce déménageme­nt aura lieu d’ici trois ans.

TRENTE ANS CHEZ BOMBARDIER

« Ça surprend, personne n’aime les changement­s, mais ça va finir par se replacer, philosopha­it un autre travailleu­r, avant de s’engouffrer comme d’autres pour dîner dans une brasserie, à une centaine de mètres de l’usine. Avec une bonne bière, vous savez, tout se replace. »

Plusieurs d’entre eux auront donné entre 25 et 30 ans de leur vie à Bombardier. « Ça ne peut faire autrement que d’ébranler », soutient David Chartrand, le coordonnat­eur québécois de l’AIMTA. Néanmoins, ce dernier estime que les machiniste­s jouiront dans les circonstan­ces des meilleures conditions. Nul ne perdra son emploi et tous conservero­nt leurs conditions de travail, tant en termes salariaux que sur le plan de la pension et des avantages sociaux.

Cela dit, rien ne garantit qu’une fois la part de Québec (25 %) rachetée par Airbus

dans six ans, Stelia ne déménagera pas ses activités dans un autre pays.

RISQUE THÉORIQUE

De Californie, d’où il suit chaque mouvement de Bombardier, le professeur Mehran Ebrahimi, spécialist­e de l’aéronautiq­ue à l’UQAM, soutient que cette inquiétude n’est pas fondée.

« C’est une industrie qui a besoin de son écosystème d’entreprise­s pour survivre. Au-delà de l’équipement et de la proximité de son usine (Mirabel), la vraie valeur de cette transactio­n est la main-d’oeuvre. »

Par le passé, le Mexique, le Maroc et la Chine ont attiré de nombreux avionneurs grâce à leurs faibles coûts. « Même la firme Pratt & Withney s’est risquée en Pologne, reconnaît-il. Et ce fut à regret, je vous assure. Ils sont finalement revenus après avoir perdu des dizaines de millions de dollars. […] C’est pourquoi, même si Airbus avait la possibilit­é technique de quitter le Québec si elle le voulait, je ne vois aucune raison pour qu’elle prenne ce risque. »

 ?? CAPTURES D’ÉCRAN, TVA NOUVELLES ?? Les travailleu­rs rencontrés par TVA Nouvelles à l’entrée des usines de Mirabel et de l’arrondisse­ment de Saint-Laurent (photo) s’estiment chanceux de continuer de fabriquer des produits qu’ils aiment.
CAPTURES D’ÉCRAN, TVA NOUVELLES Les travailleu­rs rencontrés par TVA Nouvelles à l’entrée des usines de Mirabel et de l’arrondisse­ment de Saint-Laurent (photo) s’estiment chanceux de continuer de fabriquer des produits qu’ils aiment.

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