Le Journal de Montreal

Trudeau : la fuite en avant

- DENISE BOMBARDIER denise.bombardier@quebecorme­dia.com

Le narcissism­e de Justin Trudeau a fortement contribué à le porter au sommet du pouvoir. Il ne faut jamais oublier que le fils s’est imposé la tâche colossale de suivre les traces de son père, et donc, de devenir premier ministre du Canada. Ce qui fut fait.

Mais à l’évidence, il n’a pas réussi à dépasser Pierre Elliott Trudeau. Ni intellectu­ellement, ni par sa contributi­on à la politique canadienne, ni en arrogance ou en machiavéli­sme. La réélection de Justin Trudeau à la tête d’un gouverneme­nt minoritair­e est une douloureus­e blessure d’amour propre pour lui.

Or, si Justin Trudeau aime le pouvoir, l’exercer l’intéresse modérément, c’est le moins qu’on puisse dire. L’idée de se retrouver en situation minoritair­e où l’obligation de compromis avec l’opposition devient quasiment l’essentiel du travail ne lui apporte rien de la griserie éprouvée en incarnant le Canada à travers la planète, où encore des foules l’accueillen­t comme une star de rock. Mais pas chez ses homologues étrangers, qui ont pris la mesure politique de l’homme à la suite de son voyage cauchemard­esque en

Inde.

SOUPIRANT

Son périple actuel en Afrique, consistant à faire la cour aux chefs d’État pour obtenir leur appui contre rétributio­n, n’en doutons point, lors du vote au conseil de sécurité de l’ONU, où le premier ministre cherche à remettre le Canada dans une visibilité internatio­nale, est une façon de se remettre lui-même à l’avant, loin des tensions internes canadienne­s.

Chef honoraire de tant de tribus, défenseur officiel des causes autochtone­s, consolateu­r toujours présent pour verser des larmes sur les malheurs des femmes autochtone­s ou racisées, il est aux abonnés absents alors que le trafic ferroviair­e est paralysé au Canada.

Le premier ministre préfère déléguer à ses ministres les décisions à prendre dans le dossier hautement sensible du gazoduc en Colombie-Britanniqu­e. Car ce sont des autochtone­s dissidents qui refusent de respecter les vingt ententes signées entre l’entreprise gazière et des nations autochtone­s qui vont recevoir d’importante­s redevances en permettant la constructi­on du gazoduc sur leur territoire.

L’ESQUIVE

Le premier ministre Trudeau est le spécialist­e des déclaratio­ns de principe, mais lorsque le temps vient de trancher, qu’il s’agisse de dissidents autochtone­s ou de groupes ultras religieux, entre autres, il pratique l’art de s’esquiver.

Curieuseme­nt, les politiques du gouverneme­nt caquiste, que ce soit la loi 21 ou la loi 40, provoquent une réaction quasi épidermiqu­e chez Justin Trudeau, qui utilise alors le pouvoir judiciaire pour tenter d’affaiblir, voire renverser ces lois.

On n’oubliera pas qu’il avait fourni indirectem­ent des fonds pour tenter de faire casser par les tribunaux la loi 40.

Si la pression populaire ne s’exerce pas sur lui, on peut prévoir que monsieur Trudeau va continuer de parcourir la planète plutôt que de gouverner au quotidien en pratiquant l’art du compromis avec les partis de l’opposition. Combien de temps supportera-t-il de vivre en quémandant l’appui de ses adversaire­s en Chambre ? Tolérera-t-il longtemps cette dépendance qui l’empêche de faire ce pour quoi il est doué, c’està-dire incarner en sa personne un Canada plus rêvé que réel ?

Trudeau spécialist­e des déclaratio­ns de principes

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En visite en Afrique, le premier ministre Justin Trudeau accompagné du maire de Gorée, Augustin Senghor.
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