On achève bien les fleurons
Le gouvernement Legault semble avoir évité le pire avec Bombardier. Mais on est rendu là. À se contenter de sauver les meubles pour notre fleuron fané, après l’avoir pourtant dopé de notre argent.
Je ne partage assurément pas le jovialisme exprimé par le ministre de l’Économie Pierre Fitzgibbon, qui a présenté la vente de la participation de la défunte C Series de Bombardier à Airbus comme une « excellente nouvelle » pour le Québec.
En fait, ça me reste en travers de la gorge.
Le ministre n’a pas fait un mauvais job. Loin de là. Il a atteint les objectifs louables, dans les circonstances, fixés par son chef François Legault. C’est-à-dire sauver les 3300 emplois au Québec liés au programme qui porte maintenant le nom de A220, sans dilapider davantage de fonds publics dans la désastreuse aventure.
La surendettée Bombardier n’aura pas à réinjecter 900 millions $ dans le programme, comme elle s’y était engagée, et elle recevra aussi 600 millions $ en abandonnant sa participation.
La part de l’État québécois passe de 16à25%.
Mais pour l’instant, le placement de 1,3 milliard $ effectué sous le précédent gouvernement Couillard pour éviter le naufrage de Bombardier essuie une perte de 600 millions $.
Puis, pour les emplois, il faut se contenter de « garanties verbales » d’Airbus, parce que selon le ministre, « garantir un emploi, ce n’est plus un concept réaliste ».
ON SE CROISE LES DOIGTS
Il faut donc se croiser les doigts d’une main pour que notre placement retrouve au moins sa valeur d’origine d’ici 2026, date à laquelle la part du Québec sera rachetée par Airbus.
Et il faut se croiser les doigts de l’autre main pour qu’un changement de conjoncture ne vienne pas justifier Airbus de délocaliser des emplois.
François Legault a d’ailleurs lâché une phrase qui illustre bien que le
Québec, n’ayant pas le gros bout du bâton, ne pouvait que récolter des miettes.
« C’est sûr qu’en ne mettant pas un sou de plus, on ne peut pas être trop exigeant. » Voilà.
On peut ressentir de la peine pour notre fleuron. Pour ce rêve d’une C Series dont le développement a nécessité 7 milliards $ d’investissement de Bombardier. L’ambitieux programme est maintenant abandonné aux mains d’Airbus qui, mort de rire, en récoltera possiblement les fruits dans le futur.
Notre fierté passe à la déchiqueteuse.
DURS COUPS
On pense à ce coûteux échec. À SNC-Lavalin, corrompue à l’os, qui payait des prostituées au fils du dictateur Khadafi en échange de contrats.
À la vente de RONA à des mains américaines, qui a entraîné ensuite la fermeture de magasins. Même au poulet St-Hubert, qu’on ne peut plus imaginer drapé du fleurdelisé.
Tout ça ne donne pas exactement envie de chanter Gens du pays.
Dans le cas précis de Bombardier, ce qui est plus dégueulasse, c’est d’avoir vu les dirigeants de la compagnie se gaver de millions pendant qu’ils étaient accrochés à une bouée de 1,3 milliard $ de fonds publics. De notre argent.
Ils se sont voté des hausses de rémunération de 48 % en 2017 et ont encaissé 78 millions $ l’année suivante en liquidant des actions sur option.
Quand on voit le surplus du Québec amputé de 600 millions $, cette année, en raison de la perte de valeur de notre placement, et qu’on imagine les big boss se gargariser à nos frais, ça donne la nausée.