L’agenda occupé de Fitzgibbon
Le gouvernement du Québec, via son ministère de l’Économie, prendra dorénavant plus de risques financiers et investira plus de votre argent directement dans les entreprises. Cette chronique entend scruter pour vous l’utilisation de ces sommes et vous indiquer à quoi servent vos impôts, qui sont les bénéficiaires de ces aides publiques, quelles entreprises font des démarches pour obtenir une part du gâteau.
En un an, le ministre de l’Économie caquiste, Pierre Fitzgibbon, a rencontré deux fois plus de chefs d’entreprises que sa prédécesseure libérale, Dominique Anglade. Les rencontres avec le caquiste ont beaucoup plus souvent débouché sur une aide de Québec à ces mêmes entreprises.
Entre novembre 2018 et octobre 2019, le ministre Fitzgibbon a eu 330 rencontres avec des acteurs non gouvernementaux, selon ce qui apparaît à son agenda public.
À cela s’ajoutent évidemment les discussions en chambre de commerce et les nombreux contacts établis lors de missions commerciales ou lors d’autres situations moins formelles.
C’est un rythme beaucoup plus élevé que celui du mandat de sa devancière, Dominique Anglade, qui avait participé à 182 rencontres entre février 2016 et juin 2018.
En excluant les organismes institutionnels et les associations sectorielles, M. Fitzgibbon a rencontré un peu plus de 200 entreprises désireuses de soumettre leurs projets.
MILIEU DES AFFAIRES
D’ailleurs, le ministre ne s’en cache pas. Il répète régulièrement qu’il connaît à peu près tout le monde dans le milieu des affaires et qu’il compte rencontrer le plus de PDG possible. M. Fitzgibbon provient de ce milieu et possède une longue feuille de route, notamment en gestion de fonds privés.
Pendant des années, il a tenté de dénicher de bonnes occasions d’affaires. Maintenant qu’il est ministre, il poursuit dans la même veine.
Les entrepreneurs le contactent directement sur son portable, il négocie lui-même plusieurs investissements dont les fonds proviennent maintenant des contribuables.
Les employés de son ministère n’ont pas cette habitude.
DU HAUT VERS LE BAS
D’ordinaire, les demandes cheminent davantage du bas vers le haut, les fonctionnaires guident les entreprises à travers les nombreux programmes, font des analyses en fonction des critères financiers et économiques, puis formulent des recommandations qui, pour les dossiers les plus importants, se rendent jusqu’au ministre.
Avec M. Fitzgibbon, c’est souvent l’inverse.
Au moins une dizaine d’entreprises ont reçu un soutien financier gouvernemental de plus d’un million de dollars après que leurs représentants eurent rencontré le ministre.
La semaine dernière, j’écrivais que l’entreprise LeddarTech avait touché 33 millions $ après cinq rencontres avec M. Fitzgibbon et qu’il en avait fallu trois à Premier Tech pour mettre la main sur 34 millions $.
C’est également le cas d’Element AI, fournisseur de solutions en intelligence artificielle, dont le PDG, Jean-François Gagné, a convaincu le gouvernement d’investir 25 M$ dans le capital de l’entreprise, après deux rencontres avec M. Fitzgibbon.
Le grand patron de la Scierie St-Michel dans Lanaudière, Jean-François Champoux, a quant à lui obtenu 5 millions $ pour ses projets à la suite de deux entretiens ministériels.
Sous Anglade, un nombre deux fois moins important d’entreprises ont obtenu des contributions de plus d’un million $ après une rencontre avec la ministre.
La libérale fut pourtant en place pour une période deux fois plus longue que M. Fitzgibbon. Soulignons toutefois qu’à l’ère Anglade, certaines entreprises ont reçu des montants beaucoup plus considérables après un entretien ministériel.
Kruger et ses filiales, par exemple, ont touché des aides totalisant 139 millions $. Et Tata Steel, 50 M$.