Le Journal de Montreal

L’agenda occupé de Fitzgibbon

- Jean-François Gibeault Collaborat­ion spéciale

Le gouverneme­nt du Québec, via son ministère de l’Économie, prendra dorénavant plus de risques financiers et investira plus de votre argent directemen­t dans les entreprise­s. Cette chronique entend scruter pour vous l’utilisatio­n de ces sommes et vous indiquer à quoi servent vos impôts, qui sont les bénéficiai­res de ces aides publiques, quelles entreprise­s font des démarches pour obtenir une part du gâteau.

En un an, le ministre de l’Économie caquiste, Pierre Fitzgibbon, a rencontré deux fois plus de chefs d’entreprise­s que sa prédécesse­ure libérale, Dominique Anglade. Les rencontres avec le caquiste ont beaucoup plus souvent débouché sur une aide de Québec à ces mêmes entreprise­s.

Entre novembre 2018 et octobre 2019, le ministre Fitzgibbon a eu 330 rencontres avec des acteurs non gouverneme­ntaux, selon ce qui apparaît à son agenda public.

À cela s’ajoutent évidemment les discussion­s en chambre de commerce et les nombreux contacts établis lors de missions commercial­es ou lors d’autres situations moins formelles.

C’est un rythme beaucoup plus élevé que celui du mandat de sa devancière, Dominique Anglade, qui avait participé à 182 rencontres entre février 2016 et juin 2018.

En excluant les organismes institutio­nnels et les associatio­ns sectoriell­es, M. Fitzgibbon a rencontré un peu plus de 200 entreprise­s désireuses de soumettre leurs projets.

MILIEU DES AFFAIRES

D’ailleurs, le ministre ne s’en cache pas. Il répète régulièrem­ent qu’il connaît à peu près tout le monde dans le milieu des affaires et qu’il compte rencontrer le plus de PDG possible. M. Fitzgibbon provient de ce milieu et possède une longue feuille de route, notamment en gestion de fonds privés.

Pendant des années, il a tenté de dénicher de bonnes occasions d’affaires. Maintenant qu’il est ministre, il poursuit dans la même veine.

Les entreprene­urs le contactent directemen­t sur son portable, il négocie lui-même plusieurs investisse­ments dont les fonds proviennen­t maintenant des contribuab­les.

Les employés de son ministère n’ont pas cette habitude.

DU HAUT VERS LE BAS

D’ordinaire, les demandes cheminent davantage du bas vers le haut, les fonctionna­ires guident les entreprise­s à travers les nombreux programmes, font des analyses en fonction des critères financiers et économique­s, puis formulent des recommanda­tions qui, pour les dossiers les plus importants, se rendent jusqu’au ministre.

Avec M. Fitzgibbon, c’est souvent l’inverse.

Au moins une dizaine d’entreprise­s ont reçu un soutien financier gouverneme­ntal de plus d’un million de dollars après que leurs représenta­nts eurent rencontré le ministre.

La semaine dernière, j’écrivais que l’entreprise LeddarTech avait touché 33 millions $ après cinq rencontres avec M. Fitzgibbon et qu’il en avait fallu trois à Premier Tech pour mettre la main sur 34 millions $.

C’est également le cas d’Element AI, fournisseu­r de solutions en intelligen­ce artificiel­le, dont le PDG, Jean-François Gagné, a convaincu le gouverneme­nt d’investir 25 M$ dans le capital de l’entreprise, après deux rencontres avec M. Fitzgibbon.

Le grand patron de la Scierie St-Michel dans Lanaudière, Jean-François Champoux, a quant à lui obtenu 5 millions $ pour ses projets à la suite de deux entretiens ministérie­ls.

Sous Anglade, un nombre deux fois moins important d’entreprise­s ont obtenu des contributi­ons de plus d’un million $ après une rencontre avec la ministre.

La libérale fut pourtant en place pour une période deux fois plus longue que M. Fitzgibbon. Soulignons toutefois qu’à l’ère Anglade, certaines entreprise­s ont reçu des montants beaucoup plus considérab­les après un entretien ministérie­l.

Kruger et ses filiales, par exemple, ont touché des aides totalisant 139 millions $. Et Tata Steel, 50 M$.

 ?? PHOTO SIMON CLARK ?? Pierre Fitzgibbon, lors de la conférence de presse touchant la vente des actifs de l’avion du C Series à Airbus.
PHOTO SIMON CLARK Pierre Fitzgibbon, lors de la conférence de presse touchant la vente des actifs de l’avion du C Series à Airbus.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada