Aider son frère à se sortir du pétrin
Nadya Michel a développé une expertise unique pour prévenir les intoxications au monoxyde de carbone
En 2010, Nadya Michel a mis son projet de retour aux études de côté pour fonder Gestion Monox, qui se spécialise dans la prévention des intoxications au monoxyde de carbone sur les sites d’excavation à l’explosif. Elle n’y connaissait pas grand-chose, à l’époque, mais elle se devait d’agir. Sa motivation profonde ? Aider son frère à « se sortir du pétrin ».
« Comme copropriétaire d’une entreprise de dynamitage, il avait un gros problème sur les bras, soit les infiltrations de monoxyde de carbone liées aux travaux de dynamitage, explique-t-elle. Les chantiers étaient souvent stoppés à cause des risques que cela représentait, mais il n’existait pas vraiment de procédures pour les prévenir. »
Lorsque son frère lui a raconté ses difficultés, « quelque chose a vibré en moi », raconte Nadya, qui désirait justement se lancer à son compte sans trop savoir dans quel domaine se lancer.
Elle venait de quitter l’entreprise de construction qu’elle avait cofondée avec son ex-conjoint et projetait d’étudier en gestion en attendant de trouver la bonne idée. Elle n’est finalement jamais retournée sur les bancs d’école…
UNE AUTODIDACTE
Elle a incorporé son entreprise dès le lendemain de la conversation avec son frère.
« Je n’avais aucune idée dans quoi je m’embarquais. J’ai épluché toute la littérature sur le sujet, lu de nombreux rapports d’experts, pour finalement monter une procédure d’intervention et apporter une solution à ce problème qui représente un danger pour la population. »
Lors de travaux de dynamitage, du monoxyde de carbone est produit. Si ce gaz inodore ne se dissipe pas à l’air libre, il peut se déplacer dans le sol vers des bâtiments, des puits d’accès pour services publics ou d’autres endroits restreints et mal ventilés. Il peut s’infiltrer sur un large périmètre, et ce, pendant plusieurs jours au risque d’intoxiquer les personnes qui vivent ou travaillent près du chantier.
Nadya Michel s’est donc mise à aller d’un chantier à l’autre partout en province pour aider les entreprises de dynamitage à mettre en place les mesures préventives.
« Je parcourais 50 000 km par année.
J’ai dormi souvent dans ma voiture », raconte-t-elle.
Les débuts ont été difficiles. Il lui a fallu briser plusieurs barrières avant de faire sa place dans un milieu somme toute hermétique. « Les gens disaient que je n’avais rien à leur apprendre. En plus, j’étais une femme et, pire, la soeur de l’autre… »
TOUCHER LE FOND
Après trois ans, elle s’est demandé si ça valait la peine de continuer. Son principal client venait de la lâcher. De plus, plusieurs entreprises de dynamitage déclaraient faillite, les chantiers se faisant plus rares qu’aujourd’hui.
« J’ai touché le fond… J’ai accepté un emploi au Costco pour prendre une pause des affaires. Et j’ai fait appel à une coach pour m’aider à y voir plus clair. Ç’a été un tournant. J’ai considéré les choses sous un autre angle. Il existait bien une norme pour encadrer les travaux d’excavation par sautage, j’avais d’ailleurs contribué à sa création, mais personne ne s’en occupait vraiment. La seule qui pouvait y voir, c’était moi. »
Sa clientèle s’est diversifiée. De grandes entreprises de construction comme Pomerleau, des firmes d’ingénierie ont cogné à sa porte, intéressées par son expertise. Des municipalités, des services des incendies de partout au Québec font aussi appel à elle pour implanter ou améliorer leurs procédures. Et elle donne des conférences un peu partout.
Nadya Michel est plus que fière du chemin parcouru en 10 ans. « Je me sens de plus en plus à l’aise dans ce milieu. Il y a un aspect technique à mon travail qui me plaît beaucoup. Mais plus que tout, on contribue à sauver des vies. Et on aide des entrepreneurs à bien gérer leurs risques et prévenir d’éventuelles poursuites. »