Le Journal de Montreal

Béton désarmé

- RICHARD MARTINEAU richard.martineau @quebecorme­dia.com

Hier, le gouverneme­nt a dévoilé son programme de constructi­on de nouvelles écoles.

Adieu, le béton. Bonjour, le bois et le verre.

Avouez que ça a de la gueule !

De quoi vous donner le goût de retourner faire votre secondaire.

Si en plus, on réussit à respecter les budgets prévus (on peut rêver), on ne peut qu’applaudir…

LA BAIE DES CAPOTES

En décembre dernier, je consacrais ma chronique aux polyvalent­es de mon enfance.

Ces gros blocs de béton gris qui ressemblai­ent à des réacteurs nucléaires ou à des compacteur­s à déchets.

À Verdun, où j’ai grandi, mon école secondaire jouxtait un déversoir à égouts, que tout le monde appelait « la baie des capotes », en raison des condoms et des tampons qui flottaient à la surface de l’eau brune.

On s’y donnait rendez-vous, à la récréation, et on fumait une cigarette en comptant les préservati­fs…

Pourquoi on refusait de faire beau ? Pourquoi on s’évertuait à faire laid ?

Toutes les écoles semblaient avoir été construite­s par des fabricants de ciment.

Ça prend cinq bâtiments pour faire une ville, au Québec : une église, un Jean Coutu, une caisse pop, un aréna et un bar de danseuses.

Seule l’église est jolie. Les autres buildings sont en stucco, en tôle ondulée ou en béton frisé.

En architectu­re, on appelle ça le « brutalisme ». Le Québec est, avec la France, la capitale mondiale de ce mouvement, qui est à l’architectu­re ce que le marteau-pilon est au clavecin.

Pensez à l’Hôtel Le Concorde de la Grande Allée, à la Place Bonaventur­e, au Grand Théâtre de Québec, au Complexe G, à l’Université Laval…

Le genre de monstruosi­tés qu’on retrouvait dans les pays communiste­s.

LES TROIS PETITS COCHONS

J’imagine que c’est l’héritage de notre passé d’agriculteu­r. On voulait que ça soit « utilitaire ». Pas de froufrou.

Et on trouvait que le béton faisait moderne. Terminées, les maisons en paille et en bois, les trois petits cochons voulaient maintenant des bunkers solides, à l’américaine, tous d’un bloc.

Comme le mur à Fermont.

Résultat : on a grandi dans un environnem­ent laid. Sans grâce, sans finesse.

Un monde de 4 X 4, découpé à la chain saw.

Comment ne pas saluer ce virage vers la beauté ?

FÉLIX BANNI

En terminant, pendant qu’on parle d’école, un mot sur l’histoire du texte de Félix Leclerc qui a été banni d’une école à la suite de la plainte d’un parent.

Certains utilisent cette anecdote pour montrer à quel point la loi 40 est mauvaise.

« La loi 40 donne plus de pouvoir aux parents. Or, regardez ce qui arrive quand les parents se mêlent de ce qui se passe à l’école ! C’est ce que vous voulez ? »

Eh oui, il y a des parents niaiseux. Mais j’aimerais rappeler qu’il y avait aussi des commissair­es scolaires niaiseux, des directeurs d’école niaiseux et des professeur­s niaiseux !

Et puis, qui est le plus niaiseux dans cette histoire ? Le parent qui demande qu’on bannisse le texte de Félix sous prétexte qu’il est violent… ou la prof qui a accepté ? De plus, la loi 40 stipule que seuls les profs peuvent choisir leur matériel pédagogiqu­e et personne d’autre.

C’est écrit en toutes lettres à l’article 19. Il est où, le problème ? Quand on veut tuer une loi, on dit qu’elle a la rage…

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