Si c’était vous et moi
Récapitulons. Le Canadien Pacifique a obtenu une injonction de la Cour supérieure pour faire lever la barricade que les Mohawks de Kahnawake ont érigée sur la voie ferrée du train de banlieue de Candiac.
On ne parle pas seulement de trains de marchandises bloqués, ce qui est déjà grave, entraînant pertes économiques et mises à pied.
On empêche aussi des milliers de gens, qui ne sont responsables de rien, d’aller à leur travail par le moyen le plus sensé.
Sur un ton mesuré, n’ignorant rien de la délicatesse de la situation, François Legault demande le respect de la loi… et c’est lui que les Mohawks accusent de jeter de l’huile sur le feu !
ESPOIR
Imaginez si vous et moi voulions ériger une barricade : on n’aurait pas le temps de déplier nos chaises de camping et de se faire un café instantané qu’on nous aurait fait déguerpir.
Évidemment, la police ne craindrait pas trop la possibilité que vous et moi sortions des armes lourdes.
Les Mohawks disent agir par solidarité avec des protestataires de la communauté de Wet’suwet’en en Colombie-Britannique.
Que la majorité de cette communauté et ses chefs élus désapprouvent les gestes d’une faction minoritaire est escamoté.
Je comprends fort bien que les Autochtones, d’un bout à l’autre du Canada, en ont gros sur le coeur depuis longtemps.
Je comprends, mais cela ne justifie pas ces agissements, surtout quand on joue double jeu.
Quand les tribunaux du pouvoir « blanc » rendent des décisions favorables aux communautés autochtones, on en tire profit.
Quand les tribunaux du pouvoir « blanc » rendent des décisions défavorables aux communautés autochtones, il s’en trouvera pour plaider la non-légitimité de cette autorité.
Il y a une colère autochtone, d’accord. Mais Justin Trudeau est au pouvoir depuis cinq ans, non ?
N’était-ce pas lui qui, une main sur le coeur et une boîte de Kleenex dans l’autre, avait promis que plus rien ne serait pareil dans nos rapports avec eux ?
La crise d’aujourd’hui est à la hauteur de l’espoir qu’il a alimenté et déçu.
Comme on ne peut effacer le passé, il faut au moins assumer les responsabilités du présent.
GÂCHIS TOTAL
Je ne prétends pas que cinq ans suffisent pour régler d’immenses problèmes de tous ordres.
Les Premières Nations ont non seulement été dépossédées, mais elles sont aujourd’hui écartelées entre la modernité et la tradition.
Comme on ne peut effacer le passé, il faut au moins assumer les responsabilités du présent.
Et dans le moment présent, la responsabilité première – pas la seule, mais la plus importante – incombe à celui qui, non seulement, leur a promis mer et monde, mais qui concentre entre ses mains plus de pouvoir que quiconque pour agir.
Non seulement il n’a rien fait de majeur depuis cinq ans, mais il a laissé dégénérer la présente crise, n’a pas établi dès le début qu’on ne se fait pas justice soi-même, et a légitimé une faction minoritaire au sein d’une communauté.
Dans un tout autre contexte, Churchill lâcha un jour :
« Mieux vaut prendre le changement par la main avant qu’il ne nous prenne par la gorge ».
Voilà.