CAUCHEMAR EN VACANCES
Québécois criblés de dettes pour des frais médicaux à l’étranger
Alain Lalancette a été rapatrié de la République
dominicaine dans un avion-ambulance l’hiver dernier.
Si les vacances riment avec détente et repos, de nombreux touristes québécois qui ont négligé leur assurance voyage reviennent à la maison stressés et endettés par des factures salées de frais médicaux.
« Même si je liquidais tout ce que je possède, je ne paierais pas la moitié de la facture [...]. Je ne sais même pas ce qu’on va faire exactement », laisse tomber avec découragement Ben Kobuke.
Se croyant assuré, son père est récemment revenu d’Hawaï avec une facture de plus de 700 000 $ US ( 940 000 $ CAD) à la suite d’un grave accident (voir autre texte en page 32).
« Je vais mourir en payant des dettes. C’est un drame que je ne souhaite à personne, surtout quand on pense qu’on est bien assurés », regrette Dany Girard, qui doit payer 91 000 $ de frais médicaux après un voyage qui a mal viré, alors que son mari est tombé malade (à lire en page 33).
Ils sont loin d’être seuls à vivre de tels cauchemars. Si des Québécois voyagent sans assurance, d’autres quittent la province mal informés de leur contrat et surtout, mal couverts.
« C’est l’une des grosses erreurs que les gens font », résume Will McAleer, directeur général de l’Association canadienne de l’assurance voyage.
Pourtant, autant à l’étranger qu’ailleurs au Canada, les soins médicaux coûtent cher et les factures montent vite. En voici deux exemples :
√ Une crise cardiaque coûte plus de 25 000 $ CAD pour trois jours d’hospitalisation en Floride
√ En Ontario, une jambe cassée entraîne 500 $ de frais.
Pris au dépourvu, des voyageurs se tournent en masse vers le sociofinancement pour demander des dons afin de payer leurs factures salées.
Car, selon l’Association canadienne des snowbirds, il n’est pas rare d’entendre des histoires de Québécois qui ont des factures de frais de santé qui atteignent 300 000 $, après un séjour au soleil.
En général, les gens qui choisissent de ne pas s’assurer le font pour épargner ou par ignorance, selon plusieurs spécialistes dans le domaine.
Des voyageurs croient aussi à tort qu’ils sont couverts par la Régie de l’assurance maladie du Québec lorsqu’ils sont à l’étranger.
« Les gens sont un peu insouciants. Quand ils voient les fameuses histoires d’horreur, ç’a beau leur faire peur, on dirait que ce n’est pas encore assez. Ils ne sont pas assez conscientisés », dit Tanya Brown-Dubé, directrice du service à la clientèle chez Voyages Bergeron.
Fait inquiétant : près d’un jeune de 18 à 24 ans sur quatre ne prend aucune assurance voyage, selon un sondage de CAA-Québec en 2019.
« Les jeunes [se croient] invincibles. Mais ils ne s’en vont pas faire du tricot à Whistler [dans les Rocheuses] ou attendre la plus petite vague en surf », dit Suzanne Michaud, vice-présidente assurance chez CAA-Québec.
Même les touristes qui s’assurent peuvent avoir de mauvaises surprises.
EXCLUSIONS
Le Journal a décortiqué plusieurs contrats d’assurance voyage, un exercice fastidieux qui démontre que les exclusions sont nombreuses et variées (voir autres textes en pages 34 et 35).
Un exemple ? Aucune réclamation n’est possible si la personne blessée est intoxiquée par l’alcool ou la drogue. Plusieurs sports extrêmes sont aussi exclus.
Malgré cela, l’industrie assure que la très grande majorité des réclamations sont remboursées. Entre 2013 et 2018, les montants remboursés ont augmenté de 33 % (de 135 à 180 millions $) au Québec, selon l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes.
« Les gens doivent bien s’informer, lire, appeler et s’assurer qu’ils sont bien couverts », plaide Lyne Duhaime, la présidente pour le Québec.
« Ne magasinez pas seulement un prix. Assurez-vous que vos besoins sont comblés, et ensuite, trouvez le meilleur prix », renchérit M. McAleer.
RECOURS
Lorsqu’un voyageur blessé ou malade fait une réclamation, son assureur mènera une enquête exhaustive. Des consommateurs ont dû se rendre devant les tribunaux après un refus de remboursement. Certains ont gagné leur bataille, d’autres pas.
À l’Ombudsman des assurances de personnes, qui reçoit les doléances de consommateurs mécontents, l’assurance voyage a compté pour un peu plus de 8 % des plaintes canadiennes et environ 14 % des enquêtes menées l’an dernier. Ces investigations portent surtout sur l’application des exclusions.
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