Le Journal de Montreal

Endettée pour le reste de sa vie

Une veuve du Saguenay a vécu l’enfer en République dominicain­e où son mari a subi une pneumonie fatale

- DIANE TREMBLAY Le Journal de Québec

Une Saguenéenn­e a dû s’endetter de 91 000 $ pour régler les frais médicaux de son défunt époux qui a contracté une pneumonie fatale en République dominicain­e, même si le couple se croyait bien assuré.

Dany Girard est toujours sous le choc du cauchemar vécu en voyage l’hiver dernier. Son mari, Alain Lalancette, est décédé à la suite des complicati­ons de santé qui ont débuté à Puerto Plata.

« On allait fêter notre 45e anniversai­re de mariage. Mon mari n’était jamais allé dans le Sud. C’était son premier voyage », raconte la veuve de 67 ans.

Se faisant une joie de réaliser ce rêve, le couple se croyait bien protégé. Il avait acheté une assurance voyage auprès de la Croix Bleue. Par téléphone, Mme Girard avait réglé le dossier en ne négligeant pas de mentionner les antécédent­s médicaux de son mari, assure-t-elle.

EMPHYSÈME

« Je leur ai expliqué que mon mari faisait de l’emphysème, et qu’en décembre, il avait fait un épanchemen­t pleural. Mais qu’il était correct et en état de partir. Pour nous, on était [bien] assurés », raconte la caissière retraitée.

Dès leur premier soir en République dominicain­e, fin janvier, la malchance a frappé M. Lalancette, 72 ans. Il a fait une chute dans la salle de bain. Il s’est blessé au dos.

Le couple a consulté l’agent de Sunwing sur place, le voyagiste qui leur avait vendu leur séjour dans un tout inclus. Il voulait être rapatrié sur-le-champ.

« Alain ne pouvait pas passer deux semaines comme ça. Il n’était plus capable de marcher, relate Mme Girard. L’agent a refusé. Il nous a dit d’aller voir le médecin de l’hôtel. »

Ils ont suivi ce conseil. Malgré la prise de médicament­s, les choses se sont envenimées pour M. Lalancette, explique son épouse.

PNEUMONIE FATALE

« On a rappelé le médecin sur le site et ils l’ont transporté [M. Lalancette] d’urgence dans une clinique privée. Le lendemain, le médecin m’a annoncé qu’il faisait une pneumonie. [Il] a été hospitalis­é pendant cinq jours avec un respirateu­r artificiel. »

Leurs déboires avec les assurances ont commencé à la clinique. Stressée et ne parlant pas anglais, Mme Girard recevait des messages contradict­oires, dit-elle.

D’une part, elle a contacté la Croix Bleue qui l’a informée que son mari n’était pas couvert pour la pneumonie. On lui a expliqué que sa police d’assurance comprenait une exception pour des ennuis de santé liés à des problèmes déjà connus.

D’autre part, « le médecin me disait : “Inquiétez-vous pas, Dieu est bon, Dieu est bon.” », raconte-t-elle.

« Ils appelaient les assurances et ils me disaient que tout était payé. Quand finalement, ils se sont aperçus que les assurances ne payaient pas, les médecins m’ont dit de me dépêcher de le faire sortir de là, que c’était ma responsabi­lité de payer la note avant de partir. »

« On était sûrs qu’on était bien assurés. Dans ma tête, on partait l’esprit tranquille », ajoute Mme Girard.

RÉHYPOTHÉQ­UER SA MAISON

En désespoir de cause, elle a contacté son fils de 39 ans, dans l’arrondisse­ment de Chicoutimi. Il a retiré ses placements et emprunté pour aider sa mère à acquitter les frais qui s’élevaient à 91 000 $, dont 51 000 $ pour l’avion-ambulance qui a ramené l’homme au Québec.

« Mon garçon m’a dit : “maman, si tu restes une journée de plus, on ne pourra pas aller vous chercher, car je ne peux pas emprunter plus que ça” », témoigne-t-elle.

Malgré son rapatrieme­nt le 7 février, M. Lalancette est décédé le 3 juin, après quatre mois à l’hôpital de Chicoutimi.

« Il ne pouvait plus se passer d’un respirateu­r artificiel. Quand les médecins lui ont expliqué qu’il n’y avait plus rien à faire et qu’il était condamné à passer le reste de sa vie aux soins intensifs, il a décidé de mettre fin au traitement », dit Mme Girard.

Une campagne de sociofinan­cement a permis d’amasser environ 12 000 $. En plus de cette somme, Mme Girard a utilisé l’assurance vie de son conjoint, puis elle a réhypothéq­ué une partie de sa maison pour rembourser son fils.

ENDETTÉE À VIE

« C’est l’histoire d’une vie. Je vais mourir en payant des dettes. C’est un drame que je ne souhaite à personne, surtout quand on pense qu’on est bien assuré », dit-elle.

« Ce que je retiens, c’est qu’au départ, on a été mal informés. La personne qui nous a offert l’assurance aurait dû nous dire qu’il fallait prendre un autre type d’assurance qui coûtait plus cher [considéran­t l’historique médical de M. Lalancette]. » Mme Girard est restée traumatisé­e.

« Je ne sors presque plus de la maison. Je ne fais plus rien. On dirait que j’ai peur qu’il m’arrive quelque chose. »

La Croix Bleue n’a pas voulu commenter ce cas précis, notant que la plupart de ses contrats ne couvrent pas les conditions de santé instables.

Sunwing affirme avoir prêté assistance au couple.

 ?? PHOTOS ET REPRODUCTI­ONS AGENCE QMI, ROGER GAGNON ?? 1 1. Dany Girard montre la facture de la clinique privée Centro Medico Bournigal, en République dominicain­e, qui est longue de sept pages. Tout y est détaillé, même la boîte de mouchoirs. 2. Alain Lalancette lors de son rapatrieme­nt par avion-ambulance en février 2019. Mis à part le pilote et le copilote, il y avait une infirmière, une inhalothér­apeute et un médecin de Montréal, chargés de stabiliser son état. 3. M. Lalancette sur son lit d’hôpital à l’hôpital de Chicoutimi, à Saguenay, l’hiver dernier.
PHOTOS ET REPRODUCTI­ONS AGENCE QMI, ROGER GAGNON 1 1. Dany Girard montre la facture de la clinique privée Centro Medico Bournigal, en République dominicain­e, qui est longue de sept pages. Tout y est détaillé, même la boîte de mouchoirs. 2. Alain Lalancette lors de son rapatrieme­nt par avion-ambulance en février 2019. Mis à part le pilote et le copilote, il y avait une infirmière, une inhalothér­apeute et un médecin de Montréal, chargés de stabiliser son état. 3. M. Lalancette sur son lit d’hôpital à l’hôpital de Chicoutimi, à Saguenay, l’hiver dernier.
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