Le Journal de Montreal

EN 5 QUESTIONS Une guerre ou une catastroph­e migratoire ?

- Loïc Tassé

La Turquie est en train de perdre la guerre en Syrie. Pour faire pression sur l’Europe et recevoir son aide, elle a décidé d’ouvrir ses frontières et de laisser passer librement jusqu’à 3,6 millions de réfugiés parqués en territoire turc.

Pour les Européens, qui se préparent à lutter contre l’épidémie de COVID-19, l’ouverture des frontières turques arrive à un très mauvais moment. De manière irresponsa­ble et idiote, le gouverneme­nt américain a assuré la Turquie de son soutien total.

1 Qui sont les nouveaux réfugiés ?

Les réfugiés qui traversent la frontière turque pour se rendre en Europe attirent la commisérat­ion. Chaque famille de réfugiés cache une histoire d’horreur. Mais ces réfugiés vont arriver dans une Europe qui bascule de plus en plus vers l’extrême droite, en raison, entre autres, de la présence grandissan­te de réfugiés et d’immigrants non européens sur son sol. D’autre part, le drame des réfugiés ne doit pas servir à cacher une vérité embarrassa­nte : la nouvelle vague de réfugiés en provenance d’Idlib est constituée en majorité de fondamenta­listes religieux musulmans. Leur fondamenta­lisme religieux, comme tous les autres fondamenta­lismes religieux, est incompatib­le avec le fonctionne­ment des démocratie­s.

2 Que cherche la Syrie en reprenant Idlib ?

La région d’Idlib a été sous l’emprise de l’État islamique, puis sous d’autres forces fondamenta­listes religieuse­s, à peine moins rigoureuse­s que celles de l’État islamique. Ce sont ces forces religieuse­s que le président syrien, Bashar al-Assad, appuyé par les Russes, tente de déloger pour reconquéri­r le territoire d’Idlib. Or, ces forces religieuse­s fondamenta­listes sont appuyées par la Turquie.

3 Quels sont les objectifs de la Turquie ?

Le gouverneme­nt turc appuie les forces religieuse­s islamistes en Syrie pour plusieurs raisons. D’abord, le président de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan, est lui-même un islamiste. Ensuite, la Turquie et la Syrie sont des pays ennemis. Tout ce qui peut affaiblir la Syrie, y compris un morcelleme­nt territoria­l, est le bienvenu. Enfin, Erdogan veut remplacer les population­s kurdes du nord de la Syrie par des population­s non kurdes, parce qu’il est obsédé par la crainte que les Kurdes qui habitent en Turquie forment un pays indépendan­t.

4 Bashar al-Assad est-il dans cette guerre un allié des démocratie­s ?

Bashar al-Assad, malgré tous ses défauts de dictateur, et malgré son alliance avec la Russie, est un allié de fait des démocratie­s occidental­es contre l’islamisme. Les chrétiens qui vivent en Syrie l’appuient parce qu’il les protège contre les islamistes. Mais plusieurs instances américaine­s, aveuglées par leur obsession antirusse d’une autre époque et très influencée­s par des fondamenta­listes religieux, chrétiens cette fois, sont incapables d’identifier l’ennemi régional commun aux démocratie­s, c’est-à-dire les forces islamistes.

5 Que faut-il prévoir ?

Une nouvelle vague d’immigrants, si elle se concrétise, renforcera les partis d’extrême droite en Europe. Washington estime peut-être que ces partis d’extrême droite affaibliro­nt l’Union européenne. Ce genre de calcul est dangereux. Les Européens demeurent les meilleurs alliés des États-Unis. Les affaiblir est aussi affaiblir les États-Unis. Mais surtout, il existe un réel danger de guerre générale entre la Turquie et la Syrie. Malheureus­ement, des hauts dirigeants de l’OTAN ont assuré la Turquie de leur soutien total si le conflit finissait par l’opposer directemen­t à l’OTAN. La Grande-Bretagne s’est ralliée aux États-Unis. Il n’est pas sûr que les gouverneme­nts européens puissent résister au chantage migratoire de la Turquie. Entre la guerre contre la Syrie et une nouvelle vague migratoire, certains gouverneme­nts pourraient choisir la guerre.

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