M. Roberge, le problème n’est pas réglé
La pénurie d’enseignants dont on parle constamment est une occasion de mettre fin à un empire créé il y a 26 ans par la réforme Chagnon. Celui des sciences de l’éducation.
« Depuis 1994, le baccalauréat de quatre années en sciences de l’éducation s’est imposé comme l’unique voie d’accès aux carrières enseignantes. »
Ces lignes sont tirées d’une pétition lancée par l’Institut d’histoire de l’Amérique française (IHAF) la semaine dernière.
Elle déplore que des diplômés de bac, de maîtrise, voire de doctorat, dans des disciplines comme les maths, la littérature, la géographie et l’histoire, se voient « refuser l’accès aux classes » primaires et secondaires. Il réclame du ministre Jean-François Roberge la création d’un certificat d’un an en pédagogie donnant accès au brevet d’enseignement.
RÉEL PROBLÈME
L’affaire braque les projecteurs sur un grave problème.
« La formation disciplinaire d’un enseignant [québécois] représente généralement entre une ou deux années d’études », déploraient Mia Homsy, Jérôme Lussier et Simon Savard, dans un rapport sur l’importance de la qualité de l’éducation, en septembre 2019.
Les systèmes d’éducation les plus performants (Finlande, Pays-Bas, Ontario), ont-ils constaté, « exigent généralement […] qu’ils détiennent un baccalauréat dans une autre discipline ».
D’autres chercheurs, Jacques Beauchemin et Nadia Fahmy-Eid, s’étant penchés plus spécifiquement sur le cours d’histoire secondaire, écrivaient, en 2014, que « la place réservée à l’apprentissage de l’histoire au sein du baccalauréat en enseignement secondaire » est « grossièrement insuffisante ». Par conséquent, « plusieurs enseignants d’histoire se voient contraints d’entamer leur carrière avec, au mieux, l’équivalent d’un certificat dans cette discipline […] mal construit et composé à peu près uniquement de cours de base. Plusieurs doivent enseigner avec pour tout bagage trois ou quatre cours d’histoire du Québec. Ce manque de formation disciplinaire entretient des craintes justifiées au sujet de la qualité des cours donnés. »
Ce constat déconcertant aurait été suivi de quelques changements. Il reste que les portes de nos écoles (qu’elles soient belles ou laides !) ne sont pas encore assez ouvertes aux « experts issus de divers champs du savoir », comme l’écrit bien l’IHAF.
Pour remédier à cette situation, l’Institut du Québec propose la création d’une « maîtrise de 12 mois pour les diplômés universitaires issus de programmes universitaires pertinents, et menant à un brevet ».
ROBERGE IRRITÉ
À QUB radio, mardi, Jean-François Roberge n’a pas nié qu’il y ait eu un problème. Mais il prétend qu’il l’a réglé : « Avec un bac en histoire, on peut [...] se faire confier un groupe la semaine prochaine ! » Depuis son arrivée, clame-t-il, les « tolérances d’enseignement »
et les « permis provisoires » (permettant aux diplômés « disciplinaires » d’enseigner quand même) sont plus faciles à obtenir.
Le hic : il faut, par la suite, s’inscrire à une « maîtrise qualifiante », que M. Roberge dit avoir rendue plus courte, plus accessible. Tout de même un minimum de deux ans d’études à temps plein !
C’est trop long, trop onéreux, comme l’Institut du Québec et l’IHAF le soulignent. La pénurie actuelle, la nécessité de diversifier et d’étoffer les formations de nos enseignants commandent la création d’une passerelle d’un an (qu’on l’appelle certificat ou maîtrise).
ROBITAILLE