Les vieux, on les veut !
Des membres du gouvernement Legault qui s’arrachent les cheveux pour trouver des solutions à la pénurie de maind’oeuvre rêvaient d’une hausse des incitatifs fiscaux afin de convaincre les retraités de revenir sur le marché du travail. Mais malgré la pression, le ministre des Finances se laisse tirer l’oreille…
Le constat est implacable. Le taux d’emploi des 60 ans et plus était de 36,7 % au Québec en 2019, contre 43,4 % en Ontario.
Si le Québec disposait du même taux d’emploi que son voisin, il gagnerait du jour au lendemain 89 000 travailleurs de plus.
En juin dernier, 120 800 postes étaient à pourvoir au Québec.
En santé, on a un urgent besoin de préposés, d’infirmières. En tourisme, on a besoin de guides et d’employés en restauration, en hôtellerie. Dans les entreprises comme au gouvernement, il manque des spécialistes en TI. On pourrait continuer de défiler la liste à l’infini.
L’autre phénomène que l’on observe au Québec, c’est le vieillissement de la population. Et le fait que nos aînés vieillissent de plus en plus en santé.
Voilà « des bras » rêvés pour les employeurs. Non seulement les têtes grises ne multiplient pas les « full »et«genre» quand ils parlent, mais en plus, ils sont moins susceptibles de démissionner sans avertissement la veille du Festival d’été ou d’Osheaga, mettons !
UNE MAIN-D’OEUVRE FIABLE
L’économiste en chef du Conseil du patronat le dit avec d’autres mots : « C’est le bassin le plus important en nombre et le plus facile à adapter. Ils ont l’expérience et sont faciles à intégrer », me dit Norma Kozhaya.
Une étude publiée par la Fédération des chambres de commerce du Québec en 2018, qui conclut notamment qu’il faut « mettre l’accent sur les incitatifs fiscaux », précise que « les travailleurs expérimentés sont plus rapidement autonomes, ont généralement besoin de peu de supervision et travaillent bien en équipe ».
PREMIER PAS
À son premier budget l’an dernier, Eric Girard a annoncé un « crédit d’impôt pour prolongation de carrière », qui portait le crédit à 10 000 $ pour les travailleurs de 60 à 64 ans. « Il faudra faire plus, tout le monde nous le dit », m’avait signalé tout juste avant Noël une source gouvernementale, qui s’attendait à une bonification des mesures dès le prochain budget.
Or, Eric Girard tient les cordons de la bourse très serrés. « Plus conservateur que ça, tu meurs », rigolait encore récemment un autre membre du caucus caquiste.
Selon nos informations, le gouvernement a choisi d’attendre avant de pousser les incitatifs plus loin.
Le ministre Girard voudrait d’abord savoir quel a été l’impact de la mesure mise en place en 2019. Il se demande aussi si l’actuel cruel besoin de maind’oeuvre ne se résorberait pas un peu de lui-même en cas de ralentissement économique, après une longue période de croissance.
Le gouvernement Legault a annoncé également l’an dernier un crédit d’impôt pour les entreprises, sur la masse salariale des travailleurs expérimentés.
IL FAUDRAIT PLUS
Au CPQ, Mme Kozhaya insiste sur le fait qu’il faut vraiment « que ce soit payant » pour convaincre un retraité de revenir au travail.
Le fiscaliste de Raymond Chabot Grant Thornton, Sylvain Gilbert, estime que l’incitatif qui a été mis en place est « relativement faible ». Au mieux, il est question d’une économie d’impôt d’une centaine de dollars par mois.
« Ceux qui ont un faible revenu, ils vont travailler davantage par obligation que par choix », rappelle le fiscaliste. Pour ceux qui ont un revenu de retraite plus confortable, il faudra davantage pour les inciter à reprendre le collier !
Mais cette année, on attend vraiment davantage un budget Girard sous le signe d’investissements en mesures environnementales.
On verra mardi...
Selon nos informations, le gouvernement a choisi d’attendre avant de pousser les incitatifs plus loin.