Le Journal de Montreal

Faut-il se presser de rembourser son hypothèque ?

- DANIEL GERMAIN daniel.germain@quebecorme­dia.com

Certains se souviendro­nt de cette publicité télévisée où un type faisait part de son dilemme à son conseiller financier : « Dois-je cotiser à mon REER ou rembourser mon hypothèque ? »

« Les deux ! » lui répondait le conseiller, avec l’air de celui qui vient d’inventer le bouton à quatre trous. On devinait par là que son client devait d’abord contribuer à son REER puis réduire son hypothèque avec le remboursem­ent d’impôt.

C’est plein de bon sens, en tout cas c’est loin d’être la pire des options. Accélérer le remboursem­ent de son hypothèque revient d’une certaine manière à épargner dans un compte qui rapporte l’équivalent du taux hypothécai­re, libre d’impôt.

Bien oui, éviter de payer de l’intérêt sur un prêt, c’est comme recevoir de l’intérêt sur de l’épargne, c’est toujours ça de plus dans ses poches à la fin de l’année.

REMBOURSER SON HYPOTHÈQUE, CE N’EST PAS SUPER PAYANT

La publicité date un peu, mais la question reste d’actualité : où mettre son argent pour qu’il « travaille » le plus ? À l’époque de la diffusion de l’annonce en question, les taux hypothécai­res tournaient autour de 6 %. Le CELI n’existait pas.

L’épargne devait alors générer de solides revenus pour battre les économies d’intérêt réalisées grâce au remboursem­ent accéléré de l’hypothèque. Les rendements devaient atteindre quelque chose comme 9 % ou 10 %, car une partie des gains s’envolait en impôt, faute d’abri fiscal.

Avec les taux hypothécai­res en vigueur actuelleme­nt et grâce au CELI, il est facile aujourd’hui de surpasser le remboursem­ent anticipé de l’hypothèque. Il suffit de placer son argent à 3 % dans le compte libre d’impôt. Des fonds de placement pépères produisent ces résultats sans trop de risque.

Un emprunteur avec bon dossier de crédit profite actuelleme­nt de taux fixe sur cinq ans de moins de 2,75 %. Les conditions pourraient s’améliorer davantage au cours des prochains mois. Dans ces circonstan­ces, pourquoi se hâter de rembourser son hypothèque ?

EMPRISONNE­R SON ARGENT, PAS UNE SUPER BONNE IDÉE NON PLUS

Ce n’est pas la seule raison de préférer l’épargne au remboursem­ent de l’hypothèque. Quand on favorise le paiement de sa maison, le capital s’y trouve immobilisé et devient moins accessible. Il faut recourir au refinancem­ent ou prévoir une marge de crédit hypothécai­re si on veut retirer l’argent pour faire face à une urgence ou l’investir ailleurs.

Le refinancem­ent entraîne des frais et le taux d’intérêt sur la marge hypothécai­re est plus élevé que celui de l’hypothèque. Pourquoi se dépêcher de payer son logement si c’est pour emprunter ensuite le même argent par une marge de crédit, à un taux plus élevé ?

SAUF SI…

Comme on insiste depuis plusieurs années sur les « dangers » du surendette­ment sans faire de distinctio­n entre les dettes toxiques et celles qui ne le sont pas, ce n’est pas étonnant que des propriétai­res veuillent payer leur maison au plus vite.

Les choix financiers ne s’opèrent pas seulement sur des critères financiers ou mathématiq­ues. Des aspects psychologi­ques et les valeurs personnell­es entrent aussi en ligne de compte. Je comprends qu’on puisse tirer une certaine fierté et ressentir une paix d’esprit à habiter un logement libre de dettes.

Il faut aussi considérer sa personnali­té financière. Pour bien des gens, acheter une maison et rembourser l’hypothèque représente­nt le moyen le plus sûr de s’enrichir. Autrement, ils ont bien du mal à épargner.

De l’argent facilement accessible dans un compte en banque peut exposer à la tentation. Alors oui, mieux vaut l’enfermer dans la brique, sans accès par l’intermédia­ire d’une marge de crédit, de préférence.

Il y a ces gens aussi pour qui il n’y a rien de plus concret que l’immobilier. Ceux-là n’ont pas confiance dans les marchés boursiers. Les seuls produits financiers valables sont pour eux leur maison, la fente sous le matelas et, à la limite, les obligation­s d’épargne du Québec. Ça peut faire sourire, mais il y a des choix financiers bien pires.

L’important, après tout, c’est que l’argent ne devienne pas une source de soucis. C’est de dormir tranquille, dans sa maison payée. Ou hypothéqué­e.

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