Le Journal de Montreal

UN GRAND GAGNANT

Henri Richard détient un record qu’aucun autre joueur de la Ligue nationale ne menacera. Le frère cadet de Maurice Richard était un joueur intense sur la patinoire qui ne tolérait pas la défaite

- YVON PEDNEAULT yvon.pedneault@ quebecorme­dia.com

Onze coupes Stanley… et on se souviendra également de ce dynamique compétiteu­r, comme étant un joueur charrié par une déterminat­ion à toute épreuve, un « petit géant » dans un monde où, à l’époque, on ne se faisait pas de quartier.

Il n’avait peur de rien. Il pouvait défier quiconque.

Les plus anciens coéquipier­s de Henri ont maintes fois raconté avec un immense sourire ses exploits au vieux Boston Garden alors qu’il défiait les hommes forts des Bruins.

Henri Richard était une force de la nature, mais aussi et surtout un homme d’une grande loyauté.

Envers ses coéquipier­s, envers ses employeurs, et surtout, envers les partisans de l’équipe. Il ne connaissai­t pas de mauvaises soirées… ou presque. Quand il endossait l’uniforme, c’était pour sauter sur la patinoire et pour puiser dans toutes ses ressources dans l’unique but de savourer la victoire.

Il a connu une carrière exceptionn­elle, non seulement en raison de son gabarit, mais en raison de tous les exploits accomplis au fil des 20 saisons qu’il a passées dans la Ligue nationale.

Et dire qu’on l’avait invité au camp d’entraîneme­nt parce qu’on voulait faire plaisir à Maurice. Or, c’était mal connaître le frangin. Il avait du cran, il avait de l’ambition, il voulait démontrer qu’il avait sa propre personnali­té et qu’il pouvait trouver sa niche dans le vestiaire de l’équipe.

Sa rapidité, son éthique au boulot, son sens du devoir ont vite conquis les décideurs du Canadien.

Ce qui s’avéra un geste de relations publiques et de bon vouloir se traduisit finalement par un coup fumant de l’organisati­on. Petit à petit, Henri fit sa marque, parvint à se démarquer par son style de jeu et par sa ténacité. Il ne craignait pas les duels dans le coin de la patinoire. Il s’y aventurait sans la moindre hésitation.

LES ÉLOGES

Il a connu une carrière lui attirant les éloges et, aussi, il a connu une carrière où son caractère le poussa à prendre des décisions qui firent l’actualité.

Par exemple, un soir, à Chicago, pendant les séries éliminatoi­res, Al McNeil, alors entraîneur-chef de l’équipe, accorda plus de temps de jeu à Phil Roberto, un joueur de première saison et, Henri, trop souvent ignoré, n’apprécia pas du tout la tournure des événements..

Dans le vestiaire, après le match, il piqua une colère. Tout près de lui Jean Béliveau tenta de le calmer, mais en vain. Henri Richard ne mâcha pas ses mots à l’endroit de McNeil.

« Il est le pire entraîneur de l’histoire de cette équipe, » lança-t-il.

Lors des autres matchs, l’entraîneur modifia son plan de match et Henri Richard regagna son poste… et, comme c’était l’un des plus dynamiques compétiteu­rs de son époque, il marqua deux buts dans le match ultime à Chicago. Ce résultat ne modifia pas son évaluation de McNeil, remplacé par Scotty Bowman, au cours de l’entre-saison.

Mais, Bowman commit une grave erreur en inscrivant sur le tableau dans le vestiaire la liste des joueurs qui ne participer­aient pas au premier match de la saison.

Le nom de Henri Richard y apparaissa­it. Il quitta abruptemen­t le vestiaire et alla se réfugier à sa taverne, furieux de la décision de son entraîneur et envisagean­t la possibilit­é de quitter l’organisati­on. On parvint à la convaincre de regagner les rangs de l’équipe.

PIQUÉ DANS SON ORGUEIL

Comme me le racontait le columnist du Journal, Marc DeFoy, hier matin, au début de la saison 1967-68, Henri se retira dans les Laurentide­s afin de mûrir une décision qui meubla ses pensées pendant quelques jours. Son entraîneur, Toe Blake, avait choisi d’amenuiser le temps de jeu de son vétéran joueur de centre afin de donner un peu plus d’espace à un autre centre du nom de Jacques Lemaire.

On expliqua à Henri qu’un entraîneur doit tenter des expérience­s et que cela n’affectera pas son temps de jeu d’ici quelques jours. Il revint au bercail, mais Toe Blake le cloua au banc, question de lui faire comprendre que le patron, c’était l’entraîneur.

Blake réalisa plus tard que son vétéran avait encore les ressources pour compétitio­nner au même niveau que les meilleurs joueurs de la ligue.

Quand on demandait à Henri Richard comment il pouvait expliquer les onze conquêtes de la coupe Stanley, il avait toujours cette réponse : « J’ai été tout simplement chanceux. Chanceux d’être au bon endroit au bon moment. »

Mais, les bons moments, n’a-t-il pas largement contribué à les créer ?

Ce qu’on ignore également, c’est qu’il pouvait lui arriver d’être un conseiller pour les jeunes joueurs de l’organisati­on. Guy Lafleur en a discuté avec mon camarade Michel Beaudry, et je me rappelle très bien la discussion dans un bar de San Francisco. Henri ne prenait jamais un détour pour exprimer ses états d’âme. « Flower, tu dois jouer à ta façon, comme toi seul sais le faire, oublie Bowman. »

C’était ça Henri, un personnage tout entier. Il n’y avait pas de place pour les demi-mesures.

Surtout pas dans le feu de l’action. L’image parfaite du dynamique compétiteu­r.

 ?? PHOTO D’ARCHIVES ?? Au milieu des années 1950, l’entraîneur du Canadien, Toe Blake, réunit sur la même ligne d’attaque les deux frères Richard, Maurice et Henri, ainsi que Dickie Moore
PHOTO D’ARCHIVES Au milieu des années 1950, l’entraîneur du Canadien, Toe Blake, réunit sur la même ligne d’attaque les deux frères Richard, Maurice et Henri, ainsi que Dickie Moore

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