Le Journal de Montreal

DES FEMMES INSPIRANTE­S

Privées de chômage pendant leur maternité, elles se battent devant les tribunaux

- PATRICK BELLEROSE

Elles font tomber les préjugés, se battent pour améliorer leurs conditions ou font preuve d’une générosité sans limites. En cette Journée internatio­nale des femmes, Le Journal présente le portrait de certaines qui se démarquent trop souvent dans l’ombre.

QUÉBEC | Six mères de jeunes enfants iront devant les tribunaux pour contester les règles de l’assurance-emploi qui les ont privées de prestation­s après leurs congés de maternité.

« C’est un problème de discrimina­tion systémique », dénonce l’avocate de Mouvement Action-Chômage de Montréal (MAC) responsabl­e du dossier, Me Kim Bouchard.

En effet, l’admissibil­ité à l’assurance-emploi est calculée en fonction du nombre d’heures travaillée­s au cours de l’année précédente. Et comme les mères québécoise­s s’absentent en moyenne 46 semaines après la naissance d’un enfant, il devient mathématiq­uement impossible pour elles de bénéficier des prestation­s si elles perdent leur emploi pendant leur congé ou à leur retour.

MAUVAISE SURPRISE

De plus, Ottawa considère que le Régime québécois d’assurance parentale remplace les prestation­s de chômage auxquelles les nouvelles mères canadienne­s ont droit, même si celui-ci est financé indépendam­ment par les employeurs et travailleu­rs québécois.

Laurie Chalifour-Racine croyait pourtant être protégée quand l’institutio­n financière pour laquelle elle travaillai­t a aboli son poste deux mois après son accoucheme­nt en 2017. Au bout des 50 semaines de RQAP, le gouverneme­nt fédéral a toutefois refusé de lui verser des prestation­s d’assurance-emploi. « J’ai trouvé cela absolument injuste », dit-elle.

Même les fonctionna­ires de Service Canada étaient incapables de lui confirmer si elle aurait droit à des prestation­s. Ce n’est qu’une fois son congé de maternité terminé que Mme Chalifour-Racine a appris qu’elle ne recevrait pas un sou supplément­aire. Heureuseme­nt, le revenu de son conjoint permettait au couple de bien vivre.

MIEUX PROTÉGER LES MÈRES

Martine Théramène n’a pas eu la même chance. Infirmière auxiliaire au CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal, elle perd son emploi en juillet 2018, après avoir donné naissance à son troisième enfant. Sans conjoint pour l’aider financière­ment ni prestation­s d’assurance-emploi, elle a dû se résigner à accepter rapidement un poste de préposé aux bénéficiai­res, moins bien rémunéré.

« C’est tout ce que j’ai pu accepter parce que je ne peux pas travailler de soir et de nuit » — en raison de ses enfants à la maison —, explique-t-elle.

Conjointem­ent avec quatre autres mères de jeunes enfants, elles intenteron­t donc un appel en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada. En cas de jugement défavorabl­e, Kim Bouchard se dit déjà prête à porter la cause jusqu’en Cour suprême. « On prétend qu’être travailleu­se et mère, c’est un risque social qui devrait être protégé », dit-elle. Me Bouchard compare la cause à celle de l’équité salariale, puisque les femmes demeurent plus nombreuses que les hommes à s’absenter du travail après la naissance d’un enfant.

L’avocate propose donc que le gouverneme­nt fédéral permette d’ajouter le chômage habituel aux prestation­s reçues durant un congé de maternité, prolongean­t ainsi la période de prestation­s jusqu’à 102 semaines.

SURPLUS

Cette modificati­on pourrait être financée sans hausser les cotisation­s, croit-elle. « Il y a des surplus chaque année dans la caisse [de l’assurance-emploi] et, au lieu d’être protégés, ils servent à éponger le déficit fédéral », souligne Me Bouchard. De plus, peu de femmes vivent cette situation exceptionn­elle, fait-elle valoir. Impossible, toutefois, de chiffrer le phénomène, puisque Emploi et Développem­ent social Canada ne compile pas de données à ce sujet.

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 ?? POULIN PHOTO PIERREPAUL ?? Laurie Chalifour-Racine a eu une mauvaise surprise après avoir perdu son emploi durant son congé de maternité en 2017. On la voit avec son fils de trois ans et demi, Cayden Hamzeh, à Candiac, en Montérégie.
POULIN PHOTO PIERREPAUL Laurie Chalifour-Racine a eu une mauvaise surprise après avoir perdu son emploi durant son congé de maternité en 2017. On la voit avec son fils de trois ans et demi, Cayden Hamzeh, à Candiac, en Montérégie.

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