Le Journal de Montreal

Faire sa place dans un univers d’hommes

Deux chirurgien­nes orthopédis­tes s’épanouisse­nt dans ce domaine qui comporte des défis pour les femmes

- HÉLOÏSE ARCHAMBAUL­T

Malgré les préjugés et les embûches d’un domaine médical très masculin, deux jeunes orthopédis­tes de Montréal ont réussi à faire leur place et s’encouragen­t de voir que l’avenir est prometteur pour les femmes.

« On se prive peut-être de bonnes candidates. Je veux que les gens sachent que c’est accessible », confie la Dre Dominique Rouleau, orthopédis­te depuis 2008.

COMM ELE BOYS CLUB

« L’orthopédie a toujours été comme un

boys club. […] Les femmes avaient un peu peur. C’est physique », ajoute sa collègue Émilie Sandman, âgée de 35 ans.

En cette Journée internatio­nale des femmes, Le Journal a rencontré deux chirurgien­nes orthopédis­tes de l’hôpital Sacré-Coeur qui ont bien réussi à faire leur place dans cet univers très masculin.

Seulement 19 % des orthopédis­tes au Québec sont des femmes. Une tendance qui tend à se renverser avec les plus jeunes cohortes (voir tableau). Fonceuses et passionnée­s, ces chirurgien­nes carburent aux défis et ne sont pas freinées par les préjugés.

Scie, marteau, perceuse... les outils des orthopédis­tes sont plus souvent associés à ceux d’un menuisier qu’à ceux d’un médecin.

« Quand on opère, c’est très manuel. C’est comme si on faisait de l’exercice physique tout le temps ! » résume la Dre Sandman.

Et encore aujourd’hui, le matériel chirurgica­l n’est pas adapté aux femmes.

« Le poids, la grosseur des manches, c’est fait pour des grosses mains. C’est lourd, mais on trouve des trucs », ajoute la Dre Rouleau, une adepte du crossfit notamment pour améliorer ses capacités physiques.

En fait, cette difficulté technique les a obligées à innover, croient-elles.

« IL FAUT RÉFLÉCHIR AVANT »

« Ça nous force à trouver des solutions plus douces quand on opère. Pour le patient, c’est mieux. […] La délicatess­e et le manque de force dans notre domaine, c’est une qualité, finalement. Il faut réfléchir avant », fait part la Dre Rouleau, mère de deux jeunes enfants.

L’approche auprès des patients est aussi différente.

« On amène le côté maternel », croit la Dre Sandman.

Première femme orthopédis­te à l’hôpital

Sacré-Coeur, la Dre Rouleau avoue avoir eu du mal à s’acclimater dans la hiérarchie, au bloc opératoire.

« Ça a été un choc pour tout le monde. Tu ne peux pas dire : “Donne-moi le bistouri.” Un homme va le faire, et ça passe. Mais, pour les filles, dans notre façon d’être, ce n’était pas la bonne technique de communicat­ion. Ça froissait les gens », se rappelle-t-elle.

Encore aujourd’hui, les chirurgien­nes doivent composer avec cette réalité.

« Si on devient énervées ou impatiente­s, ce n’est pas accepté par le personnel. Il faut vraiment rester en contrôle », dit la Dre Rouleau, 42 ans.

« Ça fait partie de la culture », avoue sa collègue, qui ajoute devoir composer avec des commentair­es sexistes.

Malgré cette réalité, ces deux docteures encouragen­t les jeunes à ne pas se laisser influencer par les stéréotype­s de genres.

« J’aimerais que les jeunes [...] ne se mettent pas de barrières. Quand on est passionné, qu’on aime quelque chose, il y a toujours une solution », dit la Dre Rouleau.

« Le futur est très prometteur pour les femmes en orthopédie. Les choses changent, et c’est très positif », ajoute la Dre Sandman.

« TU NE PEUX PAS DIRE : “DONNE-MOI LE BISTOURI.” UN HOMME VA LE FAIRE, ET ÇA PASSE. MAIS, POUR LES FILLES, DANS NOTRE FAÇON D’ÊTRE, CE N’ÉTAIT PAS LA BONNE TECHNIQUE DE COMMUNICAT­ION. »

– Dre Dominique Rouleau, orthopédis­te

 ?? PHOTO AGENCE QMI, JOEL LEMAY ?? Âgées respective­ment de 35 et 42 ans, les Dres Émilie Sandman et Dominique Rouleau sont chirurgien­nes orthopédis­tes à l’hôpital Sacré-Coeur, à Montréal. Un domaine médical encore très masculin qui représente un défi physique, et une adaptation auprès des collègues.
PHOTO AGENCE QMI, JOEL LEMAY Âgées respective­ment de 35 et 42 ans, les Dres Émilie Sandman et Dominique Rouleau sont chirurgien­nes orthopédis­tes à l’hôpital Sacré-Coeur, à Montréal. Un domaine médical encore très masculin qui représente un défi physique, et une adaptation auprès des collègues.

Newspapers in French

Newspapers from Canada