Le Journal de Montreal

Les « bons » autochtone­s

- RICHARD MARTINEAU richard.martineau@quebecorme­dia.com

C’est une question de Quelques arpents de piège : « Qui est le chef de l’État canadien ? »

La plupart des gens répondent : « Justin Trudeau » ou « le premier ministre ».

Or, ce n’est pas la bonne réponse.

Le chef de l’État canadien est la Reine Elizabeth II.

Une monarque non élue.

LE DROIT DU SANG

La chef de l’État canadien est la Reine, mais les décisions prises au jour le jour pour gérer le Canada le sont par le Parlement, qui est constitué de représenta­nts du peuple démocratiq­uement élus.

Je grossis le trait, bien sûr, mais c’est un peu ce qui se passe chez la nation wet’suwet’en en Colombie-Britanniqu­e.

Il y a deux niveaux de gouvernanc­e : le conseil de bande, une création du gouverneme­nt fédéral, certes, mais qui est démocratiq­uement élu et qui gère les affaires au jour le jour.

Et les chefs héréditair­es — qui, comme la Reine Elizabeth, règnent par le droit du sang.

Le conseil de bande est pour le projet de gazoduc de TransCanad­a. Mais les chefs héréditair­es sont contre.

Or, comme le disait Maureen Luggi, chef élue du conseil de bande wet’suwet’en, au Devoir jeudi dernier, actuelleme­nt, le gouverneme­nt fédéral ne négocie qu’avec les chefs héréditair­es.

Le conseil de bande n’a pas été invité à participer aux discussion­s ! Pourtant, ce sont les membres du conseil de bande qui gèrent au quotidien les problèmes de la communauté.

« Je suis déçue et découragée que nous ayons été exclus et que nous n’ayons pas été invités, même en tant que leaders de notre communauté. Cela me dépasse, je ne comprends pas », a dit madame Luggi à la journalist­e Hélène Buzzetti.

ÉCARTÉS DES NÉGOS

C’est comme si pour le gouverneme­nt fédéral, seuls les chefs héréditair­es (qui sont contre le gazoduc) méritent d’être écoutés.

Les membres du conseil de bande (qui sont tout aussi sinon plus représenta­tifs de la nation wet’suwet’en que les chefs héréditair­es, car démocratiq­uement élus) ne méritent pas qu’on les entende !

Pourquoi ? Parce qu’ils sont pour le gazoduc ?

Et qu’étant pour ce grand projet industriel qui leur rapportera beaucoup d’argent, ils ne correspond­ent pas à l’idée que se fait Justin Trudeau des « bons autochtone­s écolos près de la nature » ?

On ne connaît pas encore les détails de l’entente de principe que le gouverneme­nt fédéral a conclue avec les chefs héréditair­es de la nation wet’suwet’en. Mais disons que ça augure mal.

Car seuls ceux qui sont contre le projet de gazoduc ont été invités à la table des négociatio­ns. Comme s’ils représenta­ient tous les membres de cette nation autochtone, comme si tous les Wet’suwet’en étaient contre !

Or, ils sont en majorité pour !

DRÔLE DE DÉMOCRATIE

Et si la majorité des autochtone­s concernés étaient POUR le gazoduc ?

J’ai toujours pensé qu’en démocratie, c’étaient les représenta­nts du peuple qui parlaient pour le peuple. Comme le soulignait le National

Post hier, les 20 conseils de bande qui sont directemen­t concernés par le projet de gazoduc de TransCanad­a sont pour le projet !

Ils sont tous pour !

De dire Dale Swampy, président de la Coalition nationale des chefs : « Selon nos estimation­s, 400 chefs autochtone­s canadiens veulent travailler en partenaria­t avec l’industrie de ressources énergétiqu­es. »

Or, pour le gouverneme­nt fédéral, c’est comme si ces chefs n’existaient pas !

Seuls ceux qui sont contre semblent consultés par Justin Trudeau.

Drôle de conception de la démocratie…

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Québec,
le 22 février dernier.
Des chefs héréditair­es wet’suwet’en, en visite au Québec, le 22 février dernier.
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