Le Journal de Montreal

La parabole des munitions

- EMMANUELLE LATRAVERSE Analyste politique emmanuelle.latraverse@tva.ca

Entre cette peur sourde qui gagne la population, et la panique qui secoue les marchés, le ministre des Finances, Bill Morneau, s’est donné comme mission de rassurer tout le monde, à quelques semaines du budget fédéral.

« Nous ferons des investisse­ments judicieux et prudents dans le budget, tout en affichant une confiance dans l’économie que les Canadiens ont bâtie. »

Bienvenue dans le merveilleu­x monde des paraboles du gouverneme­nt Trudeau.

L’ARSENAL DU GÉNÉRAL MORNEAU

Le fédéral, comme tous les gouverneme­nts de la planète, est confronté à une situation sans précédent. Il devra à la fois dépenser pour empêcher le COVID-19 de se propager, et, surtout, se préparer à stimuler l’économie. Or l’efficacité des leviers habituels dont il dispose est loin d’être assurée.

En effet, difficile d’inciter les gens à dépenser quand ils risquent d’avoir peur de sortir de chez eux !

« Nous avons les munitions nécessaire­s », plaide le ministre Morneau.

Lire ici : le gouverneme­nt fédéral sera prêt à dépenser des milliards si la situation dégénère.

C’est rassurant. Mais comme dans toutes les paraboles, il faut lire entre les lignes.

Le déficit risque d’exploser bien au-delà des 28,1 milliards prévus.

Pour sortir de la crise en 2009, le gouverneme­nt Harper avait dû injecter 40 milliards de dollars dans l’économie.

Combien de milliards Bill Morneau devra-t-il mettre de côté pour affronter le COVID-19 et parer aux conséquenc­es des blocus ferroviair­es ? Pas surprenant qu’il soit si discret sur le sujet.

L’ANCRE DU NAVIRE FÉDÉRAL

C’est ainsi que le général Morneau s’est bien gardé d’évoquer une autre analogie courante dans les cercles financiers, celle de l’ancrage fiscal.

Imaginons que les finances publiques sont un navire ; l’ancre du bateau, c’est la discipline budgétaire. Jusqu’ici, le gouverneme­nt Trudeau a toujours défendu ses déficits en plaidant qu’ils étaient raisonnabl­es.

L’ancrage fiscal des libéraux, c’était l’engagement que le ratio dette/PIB, soit la taille de la dette proportion­nellement à celle de l’économie, diminue d’année en année.

Or cette ancre qui empêche le navire des finances publiques de partir à la dérive est déjà bien fragile. Depuis 2015, la baisse du taux d’endettemen­t est minime, voire marginale.

Il est là, tout le risque. Un déficit massif, sans le bénéfice d’une croissance économique robuste pour absorber le tout, c’est l’ancrage même du gouverneme­nt qui est menacé, avec les conséquenc­es qu’on imagine.

Il y a de ces moments où les paraboles, si belles soient-elles, se frappent à la dure réalité.

Comme dans toutes les paraboles, il faut lire entre les lignes. Le déficit risque d’exploser.

 ?? Bill Morneau. ?? Le ministre des Finances ,
Bill Morneau. Le ministre des Finances ,
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada