Le Journal de Montreal

La fin des nations ?

- RICHARD MARTINEAU richard.martineau @quebecorme­dia.com

En cherchant un livre dans ma bibliothèq­ue, hier, je suis tombé sur un essai que j’ai acheté en 2002 : La fin des nations, de Thierry Wolton.

À l’époque, j’avais trouvé la thèse de ce livre intéressan­te : l’idée de nation n’a plus de raison d’être, l’avenir appartient à la « démocratis­ation planétaire », à la gouvernanc­e mondiale, à l’effacement des frontières, blablabla.

L’EUROPE ? UNE FARCE !

Dix-huit ans plus tard, ce livre écrit par un intellectu­el de renom m’apparaît aussi niaiseux que Le manifeste du parti communiste ou Le Petit Livre rouge

de Mao.

On a vraiment cru ces balivernes ?

« L’Europe est mieux placée que l’État-nation pour répondre aux défis planétaire­s », écrivait Wolton, le plus sérieuseme­nt du monde.

Je serais curieux de voir la réaction de ce grand esprit au texte que le rédacteur en chef adjoint du quotidien italien La

Repubblica a publié dans Le Figaro il y a quelques jours… « L’Union européenne ne nous a envoyé aucun médecin, aucun masque, et n’a aménagé aucun hôpital de campagne.

Pourquoi l’Europe, avec son colossal appareil administra­tif et technique, n’a-t-elle rien fait pour prévenir l’épidémie et coordonner le confinemen­t ? Pourquoi l’Europe ne s’est-elle pas chargée de mettre en place un plan de production commun d’équipement­s élémentair­es, comme des appareils respiratoi­res et des vêtements de protection ?

Même si nous vivons une situation extrêmemen­t dramatique, l’Union européenne est apparue étrangère aux problèmes des citoyens : une entité bureaucrat­ique incapable d’interventi­ons concrètes. Il n’y a eu ni solidarité ni supervisio­n. »

Charles de Gaulle était beaucoup plus visionnair­e que Thierry Wolton. « On peut bien sauter sur sa chaise en criant “L’Europe ! L’Europe ! L’Europe !”, cela n’aboutit à rien, cela ne signifie rien », disait-il en décembre 1965.

« Est-ce que le peuple français, le peuple allemand, le peuple italien, le peuple belge songeraien­t à se soumettre à des lois que voteraient des députés étrangers, dès lors que ces lois iraient à l’encontre de leur vérité profonde ? » demandait-il trois ans plus tôt, en mars 1962.

NOUS

Vers qui se tournent les citoyens pour se protéger, aujourd’hui ?

Vers l’Union européenne ? L’ONU ? Le Commonweal­th ? L’OTAN ?

Non : vers leur gouverneme­nt national.

Au Québec, ce réflexe est encore plus marqué : on se tourne vers notre gouverneme­nt provincial, comme si le Québec était déjà indépendan­t.

Faut dire que le PM qui loge à Ottawa est un adepte de l’ouverture des frontières tous azimuts, façon Wolton.

Il aura fallu la pression du peuple (et la menace d’une défaite cuisante aux prochaines élections) pour que le leader du Canada agisse enfin… comme le leader du Canada. Malgré ce que déclaraien­t les « citoyens du monde » (j’en étais) il y a 20 ans, non seulement le concept d’État-nation n’est pas mort, mais il n’a jamais été aussi vivant. Quand on se sent assiégé, menacé, on ne réagit pas intellectu­ellement, avec des abstractio­ns, des « machins », pour reprendre le fameux mot de De Gaulle sur l’ONU, mais viscéralem­ent, avec nos tripes.

Et nos tripes, c’est notre culture, notre passé, notre histoire, notre langue, nos valeurs, notre territoire et, oui, nos frontières.

Comme disait Mathieu Bock-Côté hier, des frontières, ça s’ouvre.

Mais ça se ferme aussi. Rien de mieux que le gouverneme­nt du Québec pour protéger les Québécois.

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