Le Journal de Montreal

Attention à la surcharge mentale

- ANNABELLE BLAIS Petit-Pied, le dinosaure If We Hold on Together.

Voilà maintenant une semaine que plusieurs travailleu­rs sont confinés à la maison. Pour certains, le seul contact extérieur est Facebook, caisse de résonance des inquiétude­s de chacun. Ainsi, de plus en plus de télétravai­lleurs risquent d’être en proie au stress et aux colères.

J’ai la chance d’exercer un métier qui me permet d’écrire des articles de journaux dans le confort de mon appartemen­t, habillée en mou.

Je ne suis pas à plaindre. J’évite les sorties et les contacts au maximum. Les réseaux sociaux sont maintenant ma seule fenêtre sur le monde. Or, les commentair­es négatifs que j’y lis m’énervent, j’ai supprimé plusieurs « amis », je débats même avec certaines personnes, chose que j’avais cessé de faire parce que c’est inutile.

« Ça fait longtemps qu’on associe les nouvelles technologi­es au stress », m’explique la Dre Sonia Lupien, fondatrice et directrice scientifiq­ue du Centre d’études sur le stress humain.

« Et pour la première fois de l’humanité, tous les humains sont exposés au même stresseur en même temps. »

Le seul humain avec qui j’interagis en personne est mon conjoint, qui travaille de soir. Je passe donc beaucoup de temps seule. Je n’ai pas encore nommé un ballon de volley-ball Wilson, mais je m’en approche. Depuis quelques jours, je fredonne la chanson de

:

Bref, mon chum commence à s’inquiéter.

CERVEAU QUI SURCHAUFFE

Paradoxale­ment, même si le quotidien de plusieurs travailleu­rs consiste à se lever, à s’installer à leur bureau et à travailler… on souffrirai­t néanmoins de « surcharge cognitive ».

« Cette surcharge est un stresseur », ajoute la Dre Lupien.

Pourtant, je peux ENFIN travailler dans le silence. Rien ne me déconcentr­e. Je suis productive. Et, avouons-le, bien dans mes leggings.

« Les gens n’ont pas l’impression de faire quelque chose, ils pensent que, pour faire quelque chose, il faut bouger, mais ils ont oublié qu’ils ont un cerveau.

Tu peux rester assis et ruminer, et tu vas être crevé à la fin de la journée », souligne la chercheuse.

Un collègue me disait justement se sentir plus fatigué cette semaine.

Même les travailleu­rs autonomes déjà habitués à travailler de la maison peuvent en ressentir les effets.

« Avant, vous alliez faire votre marché, vous voyiez vos amis, vous n’étiez pas 14 heures par jour à la maison devant un ordinateur », dit Sonia Lupien.

« Cette absence de mouvement du corps, on n’a jamais été aussi inactif, ça va commencer à jouer pour tout le monde », précise la docteure.

COLÈRE SPONTANÉE

Cette surcharge commence d’ailleurs à se manifester sur mon humeur. Cette semaine, j’ai craqué lorsque mon patron m’a demandé de réduire un texte de 1000 mots à 400. Le draaaaame ! Pourquoi travailler deux jours sur un si petit texte publié en page 14 ?!!

Parallèlem­ent, j’écris sur de vrais drames. Des familles séparées d’un être cher, des entreprene­urs au bord de la faillite. Je suis donc consciente de mes privilèges. Alors… pourquoi cette crise de bacon ?

J’ai vécu un épisode de « colère spontanée », m’apprend la Dre Lupien. Sur son blogue, elle écrit que des chercheurs ont démontré qu’un rat exposé à un même stresseur pendant plusieurs jours s’habitue à la longue, mais devient quand même plus réactif à tous les autres stresseurs.

« Des situations anodines qui d’habitude ne nous stresserai­ent pas vont commencer à nous énerver sérieuseme­nt et mener à des colères spontanées, peut-on lire. Cette habituatio­n au stress du confinemen­t risque de mener à une plus grande réactivité à tout autre petit ou grand irritant qui survient. »

SCRUTEZ L’HORIZON

Sachant cela… on fait quoi ? « On a besoin d’un horizon, croit la Dre Lupien. À toujours regarder un écran, on n’a pas d’horizon, et je pense que ça a un effet. C’est ce qui explique que, selon certaines recherches, les hormones de stress diminuent dans la nature. »

Ce n’est donc pas pour rien que le directeur national de la santé publique, Horacio Arruda, suggérait jeudi d’aller marcher en nature, loin des foules bien sûr, et de s’occuper par exemple en cuisinant des tartelette­s portugaise­s.

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PHOTO ANNABELLE BLAIS La journalist­e du Journal de Montréal Annabelle Blais à l’oeuvre à domicile.

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