Le Journal de Montreal

Richard Martineau

- RICHARD MARTINEAU richard.martineau@quebecorme­dia.com

La couverture du Journal de vendredi m’a beaucoup touché.

Des gens qui ont bûché toute leur vie, qui ont toujours subvenu aux besoins de leurs proches avec fierté, demandant pour la première fois l’aide de l’État.

« T’as travaillé toute ta vie et tu te retrouves comme ça », confie, les yeux embués de larmes, une serveuse de 61 ans qui s’est retrouvée sans emploi après 38 ans de loyaux services.

LA LOI DE LA SAUCISSE

L’escalier qui nous mène du confort au désespoir n’est pas long.

Tu déboules quelques marches, et tu te retrouves sur le trottoir.

Un de mes amis, un père de deux enfants qui a toujours roulé sa bosse sans se demander de quoi demain sera fait, s’est retrouvé il y a quelques jours sans travail pour la première fois de sa vie.

Sa blonde aussi.

Ils se sont assis à la table de cuisine et ont fait le point sur leur situation financière.

« On a combien d’argent en banque ? Combien as-tu en REER ? On va pouvoir durer combien de jours si on réduit nos dépenses au strict minimum ? »

Un autre de mes amis, un père avec trois enfants en garde partagée, a perdu 95 % de ses revenus.

Comme ça, du jour au lendemain ! Combien d’entreprene­urs, qui ont bossé comme des fous pour réaliser leur rêve, ont dû déposer leur bilan ces derniers jours ? Combien de travailleu­rs autonomes se retrouvent subitement sans contrat ?

Ces gens-là n’iront plus au resto, resteront chez eux et réduiront leurs dépenses de moitié.

Et ça fera boule de neige.

C’est la loi de la saucisse Hygrade à l’envers. Plus de gens perdent leur emploi, moins ils dépensent. Et moins ils dépensent, plus de gens perdent leur emploi.

C’est une spirale qui nous aspire vers le bas.

DES AVANTAGES EN OR

C’est à se demander ce qui est le plus inquiétant : le virus ou la crise économique qu’il provoque ?

On regarde le système s’affaisser, l’argent qu’on avait mis de côté pour nos vieux jours s’évaporer, et on se sent totalement impuissant.

Il y a quelques semaines, avant la crise (vous rappelez-vous, la vie avant la crise ?), des reportages comparaien­t le salaire des travailleu­rs du secteur privé à celui des employés de l’État.

« Les gens du privé sont plus payés que les gens du public », pouvait-on lire.

Aujourd’hui, qui est le plus avantagé, selon vous ?

Le travailleu­r du secteur privé qui se retrouve le cul sur la paille et qui voit ses économies fondre comme neige au soleil… ou le fonctionna­ire qui garde son emploi, un régime de retraite à prestation déterminée dans la poche ?

Qui dort le mieux, la nuit ?

Ce n’est pas tout, le salaire. Certains avantages valent de l’or.

J’espère que les employés de l’État s’en souviendro­nt une fois cette crise derrière nous.

NOTRE 11 SEPTEMBRE

Des travailleu­rs sans travail. Des enfants sans école. Des personnes âgées sans visite. Des commerces sans client.

C’est toute la vie qui est mise entre parenthèse­s.

Dire que pendant ce temps, des écolos et des adeptes de la décroissan­ce se réjouissen­t.

Gardez-vous une petite gêne, les amis.

Ce qui se passe est tragique. Le système est en train de s’effondrer comme les tours jumelles.

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