Le Journal de Montreal

Il faudra bien sortir un jour

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ

Il a d’abord fallu se confiner. S’enfermer chez soi.

Depuis quelques semaines, une bonne partie de l’humanité partage cette expérience, qui n’a pas partout le même visage. On ne se confine pas de la même manière à la ville ou à la campagne, en famille ou célibatair­e, en duo ou avec de jeunes enfants. Nos sociétés n’en sortiront pas indemnes et seront marquées par un vrai traumatism­e psychologi­que.

Mais encore faut-il en sortir. On ne sait trop comment.

PRUDENCE

Car la peur a gagné l’esprit d’un peu tout le monde. Lorsque Québec a évoqué il y a quelques jours la possible réouvertur­e des écoles, un vent de panique a gagné la population et plusieurs l’accusèrent d’incohérenc­e.

Tout de suite, François Legault a corrigé le tir. Cette propositio­n, bien que maladroite, avait néanmoins une vertu : nous rappeler qu’un jour, nous devrons sortir de nos terriers, même si la situation ne sera pas idéale et qu’elle sera peut-être même inquiétant­e. Nous ne pourrons pas vivre éternellem­ent encasernés.

Cette situation ne nous est évidemment pas exclusive.

En Espagne comme au Danemark, le déconfinem­ent est commencé. En France, lundi soir, Emmanuel Macron l’a annoncé pour le 11 mai, tout en précisant qu’il serait partiel et progressif. Ce n’est pas demain que nos cousins d’outre-Atlantique célébreron­t en terrasse, en s’embrassant dans un printemps insouciant.

Chaque fois, la réaction est la même. On s’inquiète. On se demande si ce n’est pas trop tôt.

Nous sommes même placés devant une alternativ­e trompeuse : la santé ou l’économie. Je dis trompeuse, car elle n’a aucun sens.

Il fallait d’abord se confiner pour éviter de voir notre système de santé imploser sous la pression de la COVID-19

et éviter la propagatio­n folle de cette dernière, d’autant que nous la connaisson­s mal et ne savons pas encore comment la vaincre vraiment.

C’était une mesure d’urgence. Tous l’ont instinctiv­ement compris.

Mais elle ne peut être durable, sans quoi ce mouvement de repli protecteur devient autodestru­cteur. Il s’agit maintenant de protéger les population­s à risque et de gérer l’épidémie au mieux, sans la laisser occuper tout l’espace social.

Il faut éviter d’accuser d’imprudence tous ceux qui envisagent le retour de l’activité sociale.

Il faut pourtant se l’avouer : nous ne retournero­ns pas dehors dans un univers aseptisé, une fois pour toutes protégés contre la COVID-19, qui continuera de frapper et fera encore des victimes. Mais nous essaierons, cette fois, d’être mieux préparés pour l’affronter. Nous demeureron­s sur le pied de guerre.

Nous demeureron­s sur le pied de guerre

TRAUMATISM­E

Nous ne pourrons pas mettre entre parenthèse­s mentales l’épisode du confinemen­t, comme si rien ne s’était passé. Pendant un bon moment, le monde extérieur nous semblera hostile, et les restaurant­s où nous avions l’habitude de nous rassembler auront un côté lugubre. La bienveilla­nce d’hier sera remplacée par la méfiance.

Tout cela se fera à tâtons, sans trop de certitudes, avec des avancées et des reculs, avec des maladresse­s et des bons coups.

Qu’on le sache d’avance, ce déconfinem­ent ne sera pas festif. Au moins, nous retrouvero­ns un peu d’air.

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