Le Journal de Montreal

On récolte ce qu’on a semé

- RICHARD MARTINEAU

On est rendu là.

Demander à des chirurgien­s de torcher des vieux et envisager d’envoyer des soldats de l’Armée canadienne changer des couches.

Comme je l’ai écrit l’autre jour : comment sommes-nous tombés si bas ?

OÙ EST LE PLAN ?

Certes, nous vivons une situation unique, inédite.

Une crise comme nous n’en avons jamais connu.

Mais ça n’explique pas tout.

Si on avait été mieux préparés, l’ouragan frapperait moins fort et le toit de la maison ne branlerait pas au-dessus de nos têtes à chaque bourrasque.

On ne cesse de répéter que nous sommes en guerre. C’est vrai, nous sommes bel et bien en guerre contre un ennemi invisible, implacable, sans pitié.

Mais nous nous battons avec des mousquets et des tanks datant de la Première Guerre.

J’exagère à peine.

Vous le savez, je le sais, tout le monde le sait : ça fait longtemps que l’on connaît l’état pitoyable de nos CHSLD, ce n’est pas comme si on l’avait appris cette semaine…

« Si tu veux la paix, prépare la guerre », dit l’adage. Eh bien, la guerre, nous ne l’avons pas préparée !

Comme l’écrivait Joseph Facal cette semaine, nous improvison­s.

C’est comme s’il n’y avait pas de plan. On réagit au fur et à mesure que les problèmes se présentent.

Un tuyau pète ? On le colmate avec du Silly Putty. L’eau monte dans la cave ? Vite, on va chercher une pompe chez le voisin.

Il manque de personnel dans les CHSLD ?

On demande à des spécialist­es formés pour effectuer des opérations à coeur ouvert de distribuer des pilules.

Et à des infirmière­s de laver des vieux à la mitaine.

C’est comme si tu demandais à un pilote de Formule 1 de livrer ton épicerie à vélo.

Je m’excuse, mais ce n’est pas un plan, ça.

C’est une jam-session .Un work-inprogress. Un va-comme-je-te-pousse. Comprenez-moi bien, je ne blâme pas le gouverneme­nt actuel, il fait ce qu’il peut avec les cartes qu’il a dans son jeu.

Mais nous récoltons ce que nous avons semé au fil des dernières décennies et des derniers gouverneme­nts.

Nous sommes comme la France en 1940 : un pays qui a refusé de moderniser son armée et qui se retrouve plongé à son corps défendant au beau milieu d’une guerre mondiale.

L’un va être payé 17 $ l’heure et l’autre 211 $... pour la même job ?

MÉCHANT CAFOUILLAG­E

Regardez le cafouillag­e d’hier avec les médecins spécialist­es et les infirmière­s.

Vous avez compris quelque chose, là-dedans ?

Le PM dit qu’il est tanné d’implorer à genoux les médecins spécialist­es de mettre l’épaule à la roue alors que les médecins spécialist­es disent que ça fait des jours qu’ils disent à la ministre de la Santé qu’ils veulent collaborer !

Ils ont même signé une entente avec le gouverneme­nt !

Ils se relancent la balle. Pendant que les vieux tombent comme des mouches.

Et imaginez le bordel sur le terrain, maintenant.

Un préposé va être payé 17 $ l’heure pour faire la même job qu’un gars qui, lui, va être payé 211 $ l’heure.

Tout ça, parce que le premier est un profession­nel qui fait ça depuis 25 ans alors que le second est un médecin spécialist­e qui fait du « travail humanitair­e »…

Et on est censé croire que tout ça va passer comme du beurre dans la poêle ?

Voyons…

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