Déconfinements improvisés
On n’a pas besoin de m’expliquer qu’une société ne peut cesser de fonctionner trop longtemps. J’ai compris, merci.
L’activité économique est la colonne vertébrale d’une société et rend tout le reste possible.
Le confinement prolongé a aussi des impacts sociaux : dépression, violence conjugale, enfants maltraités, alcool, tensions de toutes sortes, etc.
RECOMMENCER
Dans une pandémie, deux grandes stratégies sont envisageables : ralentir la propagation par le confinement et atténuer la dangerosité du virus par l’immunité collective.
Pour fonctionner de nouveau, il faut maintenant trouver la voie de passage entre les deux, mais sans données scientifiques probantes et sans vaccin avant longtemps.
Les pressions des milieux d’affaires montent de toutes parts sur le gouvernement Legault.
Tous veulent rouvrir, tous avancent des justifications. L’aménagement paysager : un service essentiel, vraiment ?
On peut évidemment comprendre si on se met à la place de chacun.
Il reste que les premiers déconfinements semblent largement improvisés.
Chacun tire la couverture de son côté. Chassez le naturel et le capitalisme revient au galop.
Déjà, les travailleurs de la construction demandent à la police de surveiller les entrepreneurs qui se foutraient de la règle des deux mètres sur les chantiers.
Vous pensez que la police a les effectifs pour faire ça ? Sérieusement…
Les gens d’affaires en ce moment
– je répète que je comprends leur détresse – n’ont qu’une obsession : récupérer un maximum du chiffre d’affaires perdu.
On ne fait pas cela en travaillant dans la prudence, mais dans l’urgence. Élémentaire, mon cher Watson.
Prenons les écoles. Je veux bien croire que les enfants sont moins à risque, mais il y a des tas d’employés d’âge avancé.
Et comment blâmer des parents qui voudront garder leurs enfants à la maison ?
À l’université, où je travaille, où beaucoup de gens sont assez âgés, ne me demandez pas comment le respect des deux mètres sera possible dans des amphithéâtres déjà bondés, à la cafétéria, à la bibliothèque.
Je veux bien envisager un retour progressif à la normale, mais si la mortalité chez nous semble mieux contenue qu’ailleurs, c’est justement parce qu’on a mis en place des mesures sévères.
Un déconfinement rapide et cacophonique fera repartir en flèche la contamination. Nous sommes au milieu de la rivière.
L’Organisation mondiale de la santé, qui n’est pas parfaite, mais dont le budget pour toute la planète est inférieur à celui d’un gros hôpital universitaire américain, nous enjoint d’être très prudents, de ne pas nous presser.
Elle nous prévenait depuis des années qu’un virus terrible arriverait, et on ne l’a pas écoutée.
Aux États-Unis, des gouverneurs supplient Trump, qui voudrait tout rouvrir tout de suite, de se calmer.
Nous sommes en droit de demander, non, d’exiger de voir un plan clair et détaillé de déconfinement : qui, pourquoi, comment ?
PRÊTS ?
Le Québec a deux semaines pour voir ce que donnent les premières mesures de déconfinement en Europe.
Il faut des conditions de base : tests, lits, équipements, personnel, cadre légal, etc.
Nous sommes en droit de demander, non, d’exiger de voir un plan clair et détaillé de déconfinement : qui, pourquoi, comment ?
Il faut une stratégie, pas un tâtonnement improvisé avec deux doigts croisés dans le dos pour se porter chance.