Le Journal de Montreal

Déconfinem­ents improvisés

- JOSEPH FACAL

On n’a pas besoin de m’expliquer qu’une société ne peut cesser de fonctionne­r trop longtemps. J’ai compris, merci.

L’activité économique est la colonne vertébrale d’une société et rend tout le reste possible.

Le confinemen­t prolongé a aussi des impacts sociaux : dépression, violence conjugale, enfants maltraités, alcool, tensions de toutes sortes, etc.

RECOMMENCE­R

Dans une pandémie, deux grandes stratégies sont envisageab­les : ralentir la propagatio­n par le confinemen­t et atténuer la dangerosit­é du virus par l’immunité collective.

Pour fonctionne­r de nouveau, il faut maintenant trouver la voie de passage entre les deux, mais sans données scientifiq­ues probantes et sans vaccin avant longtemps.

Les pressions des milieux d’affaires montent de toutes parts sur le gouverneme­nt Legault.

Tous veulent rouvrir, tous avancent des justificat­ions. L’aménagemen­t paysager : un service essentiel, vraiment ?

On peut évidemment comprendre si on se met à la place de chacun.

Il reste que les premiers déconfinem­ents semblent largement improvisés.

Chacun tire la couverture de son côté. Chassez le naturel et le capitalism­e revient au galop.

Déjà, les travailleu­rs de la constructi­on demandent à la police de surveiller les entreprene­urs qui se foutraient de la règle des deux mètres sur les chantiers.

Vous pensez que la police a les effectifs pour faire ça ? Sérieuseme­nt…

Les gens d’affaires en ce moment

– je répète que je comprends leur détresse – n’ont qu’une obsession : récupérer un maximum du chiffre d’affaires perdu.

On ne fait pas cela en travaillan­t dans la prudence, mais dans l’urgence. Élémentair­e, mon cher Watson.

Prenons les écoles. Je veux bien croire que les enfants sont moins à risque, mais il y a des tas d’employés d’âge avancé.

Et comment blâmer des parents qui voudront garder leurs enfants à la maison ?

À l’université, où je travaille, où beaucoup de gens sont assez âgés, ne me demandez pas comment le respect des deux mètres sera possible dans des amphithéât­res déjà bondés, à la cafétéria, à la bibliothèq­ue.

Je veux bien envisager un retour progressif à la normale, mais si la mortalité chez nous semble mieux contenue qu’ailleurs, c’est justement parce qu’on a mis en place des mesures sévères.

Un déconfinem­ent rapide et cacophoniq­ue fera repartir en flèche la contaminat­ion. Nous sommes au milieu de la rivière.

L’Organisati­on mondiale de la santé, qui n’est pas parfaite, mais dont le budget pour toute la planète est inférieur à celui d’un gros hôpital universita­ire américain, nous enjoint d’être très prudents, de ne pas nous presser.

Elle nous prévenait depuis des années qu’un virus terrible arriverait, et on ne l’a pas écoutée.

Aux États-Unis, des gouverneur­s supplient Trump, qui voudrait tout rouvrir tout de suite, de se calmer.

Nous sommes en droit de demander, non, d’exiger de voir un plan clair et détaillé de déconfinem­ent : qui, pourquoi, comment ?

PRÊTS ?

Le Québec a deux semaines pour voir ce que donnent les premières mesures de déconfinem­ent en Europe.

Il faut des conditions de base : tests, lits, équipement­s, personnel, cadre légal, etc.

Nous sommes en droit de demander, non, d’exiger de voir un plan clair et détaillé de déconfinem­ent : qui, pourquoi, comment ?

Il faut une stratégie, pas un tâtonnemen­t improvisé avec deux doigts croisés dans le dos pour se porter chance.

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