Le Journal de Montreal

L’indécence de Trump

- PIERRE MARTIN

Le président Trump a ajouté une pierre à l’édifice déjà vertigineu­x de son narcissism­e autoritair­e en retardant l’émission des chèques d’assistance aux Américains affectés par la COVID-19 pour que son nom y soit imprimé.

À la suite du passage d’un plan de 2000 milliards de dollars pour pallier les ravages de la COVID-19, des dizaines de millions d’Américains attendent leur premier chèque d’assistance. Malgré l’urgence, ils devront patienter quelques jours de plus, car le départemen­t du Trésor a reçu l’ordre sans précédent d’imprimer le nom du président sur chacun de ces chèques.

Ce n’est qu’un exemple de l’esprit qui anime ce président qui défie tous les précédents et toutes les normes, et dont la réélection viendrait clouer au plancher certains des principes fondateurs de la République américaine, dont celui d’éviter qu’un président ne s’arroge le pouvoir des rois.

NARCISSISM­E AUTORITAIR­E

La crise du coronaviru­s est venue amplifier le penchant autocratiq­ue de Trump, qui affirmait déjà en 2016 que lui seul pouvait régler tous les problèmes. Il en remet aujourd’hui une couche en affirmant, faussement, que son autorité dans la gestion de cette crise est illimitée.

Chaque jour, pendant ses briefings interminab­les, son narcissism­e est aussi en évidence. Tout est centré sur Donald Trump, qui insiste pour monopolise­r le micro, et surtout – comme les bénéficiai­res de l’aide fédérale pourront le noter en recevant leur chèque – pour s’accaparer le crédit pour tout ce qui pourrait alléger le fardeau de cette catastroph­e.

AUCUNE RESPONSABI­LITÉ

Quant à la responsabi­lité pour les décès qui auraient pu être évités, c’est une tout autre affaire. Quand ça va mal, c’est la faute des autres.

C’est la faute de la Chine, bouc émissaire favori de Trump. C’est la faute de l’Organisati­on mondiale de la santé, qu’il menace de priver de la contributi­on américaine en l’accusant d’avoir sous-estimé la pandémie, même si l’OMS avait déjà sonné l’alarme quand Trump prétendait encore que le coronaviru­s allait épargner les États-Unis.

C’est la faute des médias, comme d’habitude. C’est la faute des démocrates du Congrès, qui ont « distrait » le président avec leur procédure de destitutio­n. C’est la faute de Barack Obama, même si Trump a démantelé les structures qu’il avait mises en place pour affronter une éventuelle pandémie. C’est la faute des gouverneur­s, surtout ceux qui n’expriment pas leur gratitude envers un si bienveilla­nt président.

Bref, c’est la faute de tout le monde, sauf de Trump. Il réclame toute l’autorité, mais n’assume aucune responsabi­lité. Sa réponse le 13 mars dernier à une question sur l’aggravatio­n de la crise pourrait devenir l’épitaphe de sa présidence : « I don’t take responsibi­lity at all ».

DÉTOURNEME­NT ÉLECTORALI­STE

En transforma­nt ses communicat­ions de crise en spectacles partisans et en faisant imprimer son nom sur les chèques d’assistance, le président montre qu’il ne reculera devant rien pour détourner la gestion de cette crise à des fins électorali­stes.

Le pire, c’est que ça pourrait fonctionne­r. Le parti de Trump ressemble de plus en plus à un culte de la personnali­té et, comme leur survie politique est inextricab­lement liée à celle de l’objet de ce culte, les politicien­s républicai­ns jouent son jeu.

Donald Trump tire de l’arrière dans les sondages, mais étant donné son exploitati­on de la crise, les énormes moyens de sa campagne et les efforts des républicai­ns pour restreindr­e l’accès aux urnes d’une partie de l’électorat démocrate, sa réélection est loin d’être exclue.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada