Le Journal de Montreal

Incapables d’offrir leur aide

Des soignants dénoncent la lenteur de la gestion de leurs dossiers, malgré la crise

- CHARLES D’AMBOISE ET ÈVE LÉVESQUE

Plusieurs profession­nels en soins infirmiers qui ont soumis leur candidatur­e pour travailler en CHSLD disent être toujours sans suivi. Ils craignent maintenant d’être victimes de lourdeur administra­tive, malgré l’urgence.

« J’ai le coeur brisé, laisse tomber Johanne Labrie, infirmière à la retraite, la gorge nouée. Quand tu es infirmière, tu l’es toute ta vie. Je ne peux pas rester chez moi à rien faire ! »

Mme Labrie, 63 ans, a rempli son formulaire sur le site « Je Contribue » du gouverneme­nt du Québec le 17 mars.

« Je n’ai toujours pas de nouvelles. J’ai deux anciennes collègues qui ont reçu des appels, tous leurs papiers ont été remplis il y a deux semaines et elles sont à nouveau dans le néant. C’est pourtant tellement urgent ! »

DOSSIER EN ATTENTE

La femme de Laval semble loin d’être seule à vivre cette situation, selon plusieurs témoignage­s recueillis qui dénoncent les lenteurs du processus depuis le début de la crise.

« J’ai eu une entrevue au téléphone 9 jours après avoir appliqué sur le site, le 24 mars. On m’a dit que j’obtenais le poste. Depuis, ça bloque. Mon dossier est en attente », raconte une infirmière de 26 ans, qui désire conserver l’anonymat par crainte de nuire à son processus d’embauche.

TROP PRÉCAIRE

Devant ces délais, elle s’est tournée vers les services d’une agence de placement. Résultat : elle a obtenu un premier quart de travail hier.

« Ce n’est pas ce que je souhaitais, mais ça semble être un problème de ressources humaines du côté du CIUSSS », s’insurge-t-elle.

« Ça me fait grincer des dents, confie pour sa part Stéfani St-Arnaud Labrecque, ancienne infirmière auxiliaire. J’ai refait une formation, l’Ordre a renouvelé ma licence, puis au moins six CIUSSS m’ont appelée. Mais personne n’était capable de me garantir plus de 10 heures par semaine.

C’est trop précaire ! », raconte-t-elle.

« Je me fais dire que mon niveau de français n’est pas encore assez bon, mais je pourrais aider des centres dans l’ouest de l’île de Montréal ou des résidences privées comme celui de la résidence Herron », explique Luke Maes, installé au Québec depuis 2018.

« On a contacté les centres un par un et ça bloque aux ressources humaines », avance sa conjointe Andrée-Anne Racine, aussi infirmière.

L’Australien d’origine cumule 17 ans d’expérience, tant en urgence qu’en camps de réfugiés.

Ses équivalenc­es ont été reconnues, mais il attend un stage de 30 jours depuis 10 mois, puis un examen de l’Ordre, afin de pratiquer normalemen­t. Pourtant, en ce moment, il est prêt à tout pour travailler.

« J’ai envie d’exercer ma profession comme je le faisais en zone de guerre, mais présenteme­nt, j’appelle et je n’obtiens pas de suivi. »

Au moment d’écrire ces lignes, le cabinet de la ministre de la Santé n’avait toujours pas retourné notre message à ce sujet.

 ?? PHOTO AGENCE QMI, JOËL LEMAY ?? Andrée-Anne Racine et Luke Maes, des infirmiers qui forment un couple, au parc Saint-Viateur, à Montréal. D’origine australien­ne et ayant travaillé dans des camps de réfugiés, M. Maes attend depuis 10 mois de compléter son stage et son examen de l’Ordre.
PHOTO AGENCE QMI, JOËL LEMAY Andrée-Anne Racine et Luke Maes, des infirmiers qui forment un couple, au parc Saint-Viateur, à Montréal. D’origine australien­ne et ayant travaillé dans des camps de réfugiés, M. Maes attend depuis 10 mois de compléter son stage et son examen de l’Ordre.

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