Le travail le plus exigeant de ma vie
Notre journaliste a été préposée aux bénéficiaires
Nos journalistes vivent eux aussi toutes sortes de problèmes et de péripéties dans leur vie quotidienne. Ils nous livrent ici leurs témoignages personnels dans lesquels plusieurs de nos lecteurs se reconnaîtront. En ouvrant une boîte de déménagement, hier, je suis tombée sur mon chandail de préposée aux bénéficiaires, vestige d’un reportage réalisé en 2017. Je m’étais plongée dans la peau de ces professionnels de la santé afin de montrer cette réalité qui, maintenant, fait les manchettes.
C’est une fierté d’avoir revêtu cet uniforme pendant une semaine, comme un chandail d’une équipe de sport prestigieuse. Malheureusement, mes coéquipiers de l’époque ont toujours la vie dure et la situation ne s’est pas améliorée depuis la diffusion.
Il y a plus de deux ans, ces préposées dénonçaient leurs conditions de travail difficiles devant la caméra.
« C’est toujours la même chose, laisse tomber Johanne Pratte, directrice générale de l’Association des ressources intermédiaires d’hébergement du Québec.
Ça fait des années que les préposées demandent de meilleures conditions. Elles étaient fatiguées à l’époque. On avait déjà une pénurie. »
D’UN CENTRE À L’AUTRE
Je me rappelle avoir tenté de suivre le rythme des préposées : soins matinaux, vêtir les résidents, ménage, collation, cuisine, distribuer les médicaments, faire le lavage, changer les lits.
J’ai appris toutes les techniques à la vitesse grand V en moins d’une journée ; la bonne manière pour tourner une personne de 200 lb sur le côté sans la blesser afin de changer sa culotte d’incontinence. Ce n’est pas simple, croyez-moi. Il faut de la délicatesse et de la force.
L’un des problèmes soulevés avec cette pandémie, c’est le personnel qui doit se déplacer d’une résidence à l’autre, et qui peut transporter avec lui le virus.
« C’est un enjeu qu’on voit depuis trop longtemps. Avec un bas salaire, les préposées n’ont pas le choix de faire deux ou trois centres », explique Mme Pratte.
L’une d’entre elles m’avait raconté à l’époque comment, après un quart de travail de 8 heures dans une résidence, elle devait traverser la ville en autobus, souper sur la route pour arriver à l’heure à un autre centre et y effectuer un deuxième quart de travail de 8 heures.
Son petit bonheur du trajet : appeler ses trois enfants pour leur souhaiter bonne nuit.