Le Journal de Montreal

Des préposées en colère contre la prime aux spécialist­es

- MICHAËL NGUYEN

La prime allant jusqu’à 2500 $ par jour pour les médecins spécialist­es qui iront soutenir les infirmière­s et les préposés aux bénéficiai­res en CHSLD a créé une vague de colère auprès de préposées qui rappellent gagner 10 fois moins.

« C’est pas sérieux ? Ils vont être payés 211 $ de l’heure pour faire manger quelqu’un ? C’est ridicule, j’ai mon voyage », a lancé une employée d’une résidence pour aînés dans le nord de Montréal.

Une de ses collègues, à l’emploi d’un Centre intégré universita­ire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de Montréal, affirme qu’à ce salaire, de nombreux préposés ayant démissionn­é à cause des piètres conditions de travail reviendrai­ent en courant. Et qu’en 24 heures, il n’y aurait plus aucune pénurie de personnel.

« Avec notre boni de 8 % qui représente 1 $ de l’heure après impôt, on fait pitié », lance une autre préposée aux bénéficiai­res d’un établissem­ent lié au CIUSSS des Laurentide­s.

Ces préposées ont accepté de parler au

Journal, mais seulement sous le couvert de l’anonymat, de peur de perdre leur emploi puisqu’elles ne sont pas autorisées à s’exprimer publiqueme­nt.

COMPÉTENCE­S REQUISES

Lors de sa conférence de presse quotidienn­e hier, le premier ministre François Legault a lancé un cri du coeur aux médecins spécialist­es pour leur demander d’aller aider les infirmière­s et les préposées aux bénéficiai­res dans les Centres d’hébergemen­t et de soins de longue durée (CHSLD). Or, leur travail et celui des médecins sont bien différents.

« Juste pour déplacer un aîné, ça prend une formation de deux jours », rappelle l’une d’elles.

Une autre craint devoir former les spécialist­es. Et comme elle est déjà débordée, elle risque de l’être encore plus.

« Nous, qui tenons à bout de bras nos hôpitaux et CHSLD depuis toujours et encore plus en temps de crise, on aurait envie de hurler », a pour sa part réagi le syndicat des employés du Centre universita­ire de santé McGill.

GRANDES DIFFÉRENCE­S

S’il dit comprendre la colère de nombreux préposés, le président de leur fédération, Michel Lemelin, croit toutefois que d’autres collègues ne rechignero­nt pas. Car même si les médecins spécialist­es seront 10 fois plus rémunérés, au moins cela ajoutera des bras au système.

M. Lemelin se pose toutefois des questions sur les compétence­s des spécialist­es. Car entre changer des couches et une chirurgie, il y a un monde de différence.

« C’est sûr que les médecins spécialist­es ont un savoir académique plus élevé, mais quand il est question de déplacer un bénéficiai­re, de le faire manger ou de le laver, est-ce qu’ils seront à la hauteur ? » demandet-il en rappelant qu’il n’est pas rare qu’une infirmière demande l’aide d’un préposé pour les besoins fondamenta­ux de patients.

Newspapers in French

Newspapers from Canada