Des préposées en colère contre la prime aux spécialistes
La prime allant jusqu’à 2500 $ par jour pour les médecins spécialistes qui iront soutenir les infirmières et les préposés aux bénéficiaires en CHSLD a créé une vague de colère auprès de préposées qui rappellent gagner 10 fois moins.
« C’est pas sérieux ? Ils vont être payés 211 $ de l’heure pour faire manger quelqu’un ? C’est ridicule, j’ai mon voyage », a lancé une employée d’une résidence pour aînés dans le nord de Montréal.
Une de ses collègues, à l’emploi d’un Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de Montréal, affirme qu’à ce salaire, de nombreux préposés ayant démissionné à cause des piètres conditions de travail reviendraient en courant. Et qu’en 24 heures, il n’y aurait plus aucune pénurie de personnel.
« Avec notre boni de 8 % qui représente 1 $ de l’heure après impôt, on fait pitié », lance une autre préposée aux bénéficiaires d’un établissement lié au CIUSSS des Laurentides.
Ces préposées ont accepté de parler au
Journal, mais seulement sous le couvert de l’anonymat, de peur de perdre leur emploi puisqu’elles ne sont pas autorisées à s’exprimer publiquement.
COMPÉTENCES REQUISES
Lors de sa conférence de presse quotidienne hier, le premier ministre François Legault a lancé un cri du coeur aux médecins spécialistes pour leur demander d’aller aider les infirmières et les préposées aux bénéficiaires dans les Centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD). Or, leur travail et celui des médecins sont bien différents.
« Juste pour déplacer un aîné, ça prend une formation de deux jours », rappelle l’une d’elles.
Une autre craint devoir former les spécialistes. Et comme elle est déjà débordée, elle risque de l’être encore plus.
« Nous, qui tenons à bout de bras nos hôpitaux et CHSLD depuis toujours et encore plus en temps de crise, on aurait envie de hurler », a pour sa part réagi le syndicat des employés du Centre universitaire de santé McGill.
GRANDES DIFFÉRENCES
S’il dit comprendre la colère de nombreux préposés, le président de leur fédération, Michel Lemelin, croit toutefois que d’autres collègues ne rechigneront pas. Car même si les médecins spécialistes seront 10 fois plus rémunérés, au moins cela ajoutera des bras au système.
M. Lemelin se pose toutefois des questions sur les compétences des spécialistes. Car entre changer des couches et une chirurgie, il y a un monde de différence.
« C’est sûr que les médecins spécialistes ont un savoir académique plus élevé, mais quand il est question de déplacer un bénéficiaire, de le faire manger ou de le laver, est-ce qu’ils seront à la hauteur ? » demandet-il en rappelant qu’il n’est pas rare qu’une infirmière demande l’aide d’un préposé pour les besoins fondamentaux de patients.