Le Journal de Montreal

Markov : un départ à son image

Andreï Markov quitte le hockey comme il y était arrivé. Sans tambour ni trompette. Il y a le contexte aussi. Le sport est bien secondaire en cette triste période que l’on vit.

- MARC DEFOY marc.defoy@quebecorme­dia.com

Ça fait peut-être l’affaire de Markov aussi. Il n’a jamais cherché les réflecteur­s. Les discours n’ont jamais été son fort. Moins il voyait les journalist­es, plus il était content.

C’est sur la glace qu’il s’exprimait et, à cet égard, personne ne peut rien lui reprocher.

Il en a donné plus que ce qu’on pouvait attendre de lui. Que dis-je ? Il s’est révélé une perle pour le Canadien.

ARRIVÉ AU PIRE MOMENT

Quand on est repêché au 162e rang, comme ce fut le cas pour Markov en 1998, c’est qu’on est un projet, pour reprendre l’expression des gens de hockey.

L’actuel directeur général des Sénateurs d’Ottawa, Pierre Dorion, qui était recruteur en chef du Tricolore à l’époque, et son recruteur européen Antonin Routa, aujourd’hui à l’emploi du Lightning de Tampa Bay, ne pouvaient deviner que Markov connaîtrai­t une belle carrière de 16 saisons avec l’équipe.

Or, Markov a passé peu de temps dans les mineures. Quatorze matchs pour être précis avec les Citadelles de Québec lors de la saison 2000-2001. Il y aurait peut-être séjourné plus longtemps si le Canadien avait formé une bonne équipe, ce qui était loin d’être le cas.

Le Tricolore a connu alors sa pire saison dans l’ère de l’expansion. Une campagne de 70 points ponctuée par les congédieme­nts de Réjean Houle et d’Alain Vigneault, et l’arrivée d’André Savard et Michel Therrien après 20 matchs.

Pas moins de 46 joueurs ont défilé avec l’équipe, dont un tas qui n’étaient pas de calibre pour la Ligue nationale.

Pour un gars de 23 ans qui commençait une nouvelle vie comme Markov, les choses allaient drôlement vite.

TOUT À APPRENDRE

Andreï ne comprenait que le langage du hockey. Quand il n’était pas sûr des directives des entraîneur­s, il pouvait toujours miser sur Oleg Petrov pour lui servir d’interprète.

Mais on a vite appris qu’il n’était pas jasant de toute façon. Ma première entrevue avec lui fut une torture pour nous deux. Ses réponses étaient courtes. Le photograph­e Michel Ponomareff, qui faisait la traduction, fit une pause pour me dire : « Je pense qu’il n’est pas très intelligen­t. »

Ce n’était pas ça.

Markov avait la mentalité soviétique. Il se méfiait de tout et de tous à ses premières années à Montréal. Il donnait l’impression de voir des espions et le mal partout dans sa terre d’adoption.

PAS QUESTION DE PARTIR

Il lui a fallu beaucoup de temps pour s’acclimater au mode de vie nordaméric­ain. À 27 ans, deux mois avant d’être admissible au statut de joueur autonome sans compensati­on, il signait son premier gros contrat avec le Canadien.

Je n’oublierai jamais sa réponse quand je lui avais demandé pourquoi il n’avait pas attendu au 1er juillet pour tester sa valeur sur le marché. Une rumeur circulait voulant que son bon ami Alex Ovechkin moussait sa candidatur­e auprès de la direction des Capitals de Washington.

« Ça m’a pris cinq ans avant que je commence à me sentir à l’aise à Montréal », m’avait-il dit.

« Je ne me vois pas recommence­r ailleurs. »

Ok, Andreï !

Mais le défenseur se plaisait aussi à Montréal. Il a tourné le dos à l’autonomie trois fois. Porter les couleurs du Canadien était un privilège pour lui. Il s’est fait un point d’honneur de devenir citoyen canadien.

MEILLEURS GRÂCE À LUI

On dit qu’un bon joueur contribue à rendre ses coéquipier­s meilleurs. Ça a été vrai avec Markov. Craig Rivet a connu ses meilleures années dans la LNH en jouant à ses côtés. Mike Komisarek a touché le gros lot avec les Maple Leafs de Toronto après avoir formé un duo avec lui pendant quelques saisons.

Un jour, ce même Komisarek m’a dit au sujet de Markov : « Vous, les journalist­es, pensez qu’Andreï ne parle pas. Vous devriez l’entendre dans le vestiaire. Il ne se gêne pas pour livrer le fond de sa pensée. Il nous passe de ces savons ! »

Markov a fait beaucoup pour le Canadien. Il a été le meilleur joueur de l’organisati­on en ce 21e siècle. Devant Saku Koivu, devant Carey Price, devant Max Pacioretty, devant P.K. Subban et devant Shea Weber.

N’eût été les blessures, il aurait franchi le cap des 1000 matchs bien avant son départ de Montréal. Il a raté 181 rencontres régulières sur un total de 246 entre les saisons 2009-2010 et 2011-2012.

Il serait seul au deuxième rang chez les défenseurs les plus productifs de l’histoire du Canadien, lui qui partage cette distinctio­n avec Guy Lapointe.

UN HOMMAGE SERAIT DE MISE

Malheureus­ement, comme bien d’autres joueurs qui ont donné beaucoup au Canadien, sa relation avec le Canadien s’est mal terminée. Les versions diffèrent à ce sujet.

Officielle­ment, on nous a dit que les deux parties n’avaient pu s’entendre sur les modalités d’un nouveau contrat. Dans les coulisses, on entend que certains membres de la direction et certains joueurs en avaient marre de voir Markov bougonner.

Quoi qu’il en soit, Markov mériterait que le Canadien lui rende un bel hommage lorsque le hockey reviendra dans nos vies.

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PHOTO D’ARCHIVES, BEN PELOSSE Andreï Markov a marqué l’histoire récente du Canadien.
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